Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 345

blissement solide d’une pareille autorité. L'homme, animal raisonnant mais non pas raisonnable, ne s’instruit que par l'expérience et ne se corrige que par le malheur. Il faut donc que le cercle soit complet 4 de démontrer à chaque novateur l’ineptie de son système!. » Un peu plus tard, après Fructidor, il écrit au baron de Groeslaer à Vienne : « Je ne vous parle pas de la dernière révolution parisienne, puisqu'il leur en faudra encore et encore, jusqu'à ce qu'ils retombent sous le gouvernement d’un seul. C’est leur dernier espoir, c’est leur unique azazel ; après de longs transports c'est un sommeil tranquille ?. »

Le milieu que fournissait la France du Directoire était d’ailleurs suggestif, et d’autres pouvaient faire à peu près les mêmes ou que Morris. C'est ce que nous trouvons dans la correspondance reprise de Morelletavec lord Ashburne à la date du 13 février 1796 : « Les gens raisonnables prévoient comme très prochaine une anarchie horrible et tous les maux qu'elle entraine, soit que la guerre continue, soit que la paix se fasse. Dans tous Les cas le peuple ne pourra plus être contenu que par le despotisme militaire, qui achèvera à sa manière la ruine de notre pays. Quant à l'intervention des étrangers et ses effets, je n’ai aucune idée sur cela, faute de connaître les intentions réelles des puissances coalisées. Ce que je crois seulement, c’est qu'elles seules pourront rélablir chez nous, tôt ou tard, une forme de gouvernement qui ait quelque consistance et nous donner, sinon le bonheur et la richesse, qui ont fui pour longtemps notre malheureux pays, au moins quelque sûreté individuelle et quelque repos Ÿ. »

Morris a donc prédit, pas à pas l'approche du Consulat et de l'Empire. Mais, chose curieuse, il n’a point reconnu parmi les contemporains celui qui devait être l'Empereur : suivant les illusions de l'opinion populaire, c'est Barras, nous l'avons vu, qu 5l paraît considérer comme pouvant atteindre au pouvoir suprême : Bonaparte l’ami de Barras serait seulement

1. T. IT, p. 297. La lettre est en français. 2. T. II, p. 300. La lettre est en français. — 3. Op. cit., p. 315: