Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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Ge n'est donc pour lui que partie remise et en juin 1795 # écrit” à! Mme de Nadaillac : « Il me semble que votre malheureuse patrie doit encore subir plusieurs révolutions avant qu'on ne puisse compter sur un ordre quelconque! » Au moment où se prépare la Constitution de l'An IL, il conFrme ses vues dans une lettre déjà citée à lady Sutherland : « Je continue à être persuadé qu'ils tomberont sous la domiration d'un despote unique ; mais je ne vois point du tout elairement quelle sera la personne ni comment elle con querra son autorité. Si le parti des royalistes l'emporte, l'affaire est alors réglée très simplement pour un temps ; autrement cela peut être le résultat d’une commotion civile et dans tous les cas la fatigue de si violentes commotions amènera ce peuple turbulent à se soumettre au joug avec une grande docilité?. »

La constatation qu'il a faite, que le gouvernement sous le Directoire prend véritablement la forme d’un gouvernement militaire ?, lui permet bientôt d'arrêter plus étroitement ses prévisions : un despotisme établi par l’armée précédera le rélablissement de la monarchie légitime. Le 2 août 1797 il écrit de Wolfenbuttel au maréchal de Castries, qui, sans doute, proposait certains moyens d'action en faveur de la eause royaliste : « Les événements en vérité ont été si rapides el extraordinaires que les calculs sur le passé ne peuvent plus s'appliquer au présent: et, quant à l'avenir, il est couvert d'un nuage impénétrable. Si j'osais me permettre de hasarder un conseil, ce serait de ne rien faire, absolument rien. puisqu'alors on a des chances pour soi. D'ailleurs on peul choisir librement quand on ne s’est engagé envers personne. Je marque bien ce que vous me faites l'honneur de me dire sur le changement du ministère français. Il me parait n'être qu'un symptôme dans une maladie où il faut s'attendre encore à des crises mullipliées, je n’en tire donc aucun indice. En général je persiste à croire que le despotisme d'un usurpateur doit être le précurseur d’une autorité légitime. Je ne suis pas même persuadé qu’il ne soit pas nécessaire à l'éta-

1. T. II, p. 85. En français dans le texte, — 2. T. IP p.10: 3, Ci-dessus, p. 315.