Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 34

pereur. Le 13 décembre 1803 il écrivait à son ami James Parish : « À propos de Bonaparte, la position à laquelle il s'est élevé était pour moi une preuve suffisante de ses talents. mais même lorsqu'il était en Italie, je voyais en lui le futur maître de la France. Les circonstances rendaient un maître. non seulement nécessaire, mais certain. Raïisonnant de la même manière sur les circonstances, je savais que son joug serait pénible et odieux aux pays conquis. En vérité, jai non seulement prévu mais prédit l’état présent de l'Europe dans les premières phases de la Révolution française. Vingt millions d'hommes jetés dans une condition si déchainée, après s'être fait beaucoup de mal à eux-mêmes et aux autres, devaient devenir les sujets d’un despote militaire. Mais bien que le résultat, humainement parlant, fût inévitable, il ne pouvait être complété que par un grand homme. Mais de tels hommes se trouvent toujours en de pareïlles circonstances, ou, pour parler plus exactement, de tels hommes existent toujours et de pareilles circonstances leur fournissent les moyens et les occasions. Maintenant, il allait de soi qu'un grand homme, à la tête d’une nation belliqueuse et élevé au pouvoir par son épée, sentirait la nécessité d'occuper au dehors des esprits ardents afin de les empêcher de faire du mal au dedans. Aussi la France, disciplinée et bien commandée, nécessairement en guerre avec ses voisins, était l’objet toujours présent à mon esprit et je cherchais en vain les talents qui pourraient lui résister. Ils n’existaient pas dans les cabinets de l'Europe. Il est dans la nature des choses que de faibles esprits poursuivent des objets vulgaires par de faibles moyens. Je crois pourtant que l’Angleterre est sauvée par une série de bourdes de premier ordre !. » Il est impossible, certes, de dégager plus clairement, et avec une vue plus haute l’une des grandes lois qui président au développement de l'humanité. Mais si Morris, nous le savons, a vu d'avance la suite entière des choses, il n’est point du tout certain qu'il ait reconnu l’homme dès son apparition. Rentré en Amérique, il ne note plus les choses de France

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