Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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rer si son armée devait mettre bas les armes, lorsqu'un nègre, galopant à la tête de quatre cents cavaliers, soit par l'effet de la terreur, soit dans un accès de désespoir, jeta la panique parmi les irréguliers autrichiens, qui avaient accompli des actes de bravoure héroïque et qui déjà chantaient victoire. La panique se répandit sur toute la ligne. »

Voici encore ses quelques notes sur la campagne d'Égypte. Il apprend la nouvelle à Francfort le 29 mai 1798. « Une personne au service de la France, qui dinait à fable d'hôte, est entrée en conversation avec moi, et m'a dit que Bonaparte, à la tête de quarante mille hommes, va prendre possession de l'Égypte cédée par le grand seigneur. De là par l'Arabie et à travers le désert il marchera sur Bassora, à l’entrée du golfe Persique et de là sur l’Inde par la Perse. Il s’est assuré sur sa route les relations nécessaires, etc. C’est, dans l'opinion publique, le parallèle des campagnes d'Alexandre ?. » Le 19 juin 1798 : « Le bruit court en ville que l'amiral Nelson a battu la flotte française dans la Méditerranée et que Bona-

parte est prisonnier ?. » — 20 août : « Il paraît certain que Nelson a surpris Bonaparte et a remporté un succès mais les détails ne sont pas encore connus. » — 29 août : « Il appa-

rait maintenant que Bonaparte à atteint Alexandrie sans accident et en a pris possession *. » Vient enfin (22 septembre-2 octobre 1798) la nouvelle de la grande victoire de Nelson, à laquelle il n'ose croire d’abord, mais qui est bientôt confirmée par les journaux anglais et allemands et il termine ainsi : « L'attaque a été l’une des plus hardies et la victoire une des plus grandes qui furent jamais 5. »

Le 4 octobre Morris faisait voile pour l'Amérique et il ne parlera à nouveau de la France que lorsque le 18 brumaire sera un fait accompli. Malgré les diverses appréciations qu'on vient de lire, peu flatteuses pour Napoléon, il a prétendu plus tard qu’il avait non seulement prédit l'Empire — ce qui est vrai — mais encore nettement discerné le futur em-

T. I, p. 349. — 2. T. IL, p. 365. T. IT, p. 369. — 4. T. IT, p. 322. T. II, p. 372. Voir la suite du passage ci-dessus, p.322.

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