Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

INTRODUCTION 3

droit. La liberté de conscience est, suivant la belle définition de Jules Simon « le droit de se former librement une con«_viclion sur la nature de Dieu, sur ses devoirs, sur son ave« mir’. » Cest là le fondement indispensable. Mais, comme toute conviction profonde est de nature expansive et ne peut vivre sans se manifester, la liberté de conscience renferme le droit de prier Dieu à sa guise, le droit de publier et d’enseigner sa foi philosophique ou religieuse, le droit de s'associer à ceux qui pensent comme nous pour rendre un culte ou propager nos croyances el même le droit de ne professer aucune croyance, sans être inquiélé à cause de ces opinions et de leur manifestation. La conscience, c’est-à-dire la connaissance de soi-même et de ses rapports avec le monde, est le trésor le plus sacré pour tout homme qui pense, celui qu'il garde dans son for intérieur avec le soin le plus jaloux, bien plus, avec une sorte de pudeur. Il ne faut pas qu'une indiscrèle curiosité ou qu'un zèle téméraire essaie de pénétrer dans le sanctuaire, ou seulement d’en soulever le voile. Aussitôt, nous lui crions : « Ne touchez pas à ma conviction, cela ne regarde que Dieu et moi-même ! » La violence faile à un homme convaincu peut en faire un hypocrite ou un martyr ; mais étouffer en lui la foi ou la croyance philosophique, jamais !Tl n'y à pour la conviction qu'une facon de mourir, c'est de succomber sous les efforts de la raison ou d’une foi plus vivante, « On ne détruit que ce qu'on remplace » a-t-on dit excellemment?.

\insi la liberté de conscience et ses dérivés : la liberté de prier, de publier et d'enseigner ses opinions sont des droits primordiaux de l'homme ; elles dérivent de sa dignité d'être pensant et autonome et de la nature de son âme, qui éprouve pour Dieu une sorte de piété filiale.

Mais, dira-t-on, il faut distinguer entre la liberté de

r. Liberté de conscience, 3e édition, p- 288.

2. Le mot est d'Auguste Comte (V. Considérations philosophiques sur les sciences et les savants : 4e parlie du Système de politique positive) ; mais l’idée se retrouve dans Quinet.