Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

24h LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

d’intolérance cléricale ; les autorisations données à quelques journaux indépendants : l'Opinion nationale (30 septembre 1859), le Courrier du Dimanche (1860), la fevue des cours littéraires de la France et de l'Étranger (1863) faisaient espérer que le gouvernement rendrait aussi à l’enseignement supérieur son indépendance d'autrefois.

La nomination d'Ernest Renan à la chaire de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque, au Collège de France (11 janvier 1862), parut être le gage de ces dispositions libérales. On savait que le titulaire, après avoir fait de fortes études au séminaire de Saint-Sulpice, avait par sincérité de conscience renoncé à entrer dans les ordres et il revenait d'un voyage de mission archéologique en Syrie, environné du prestige, qui s'attache à tous ceux qui ont exploré avec une curiosité sympathique cette terre sacrée des religions. Le 22 février 1862, toute la jeunesse des écoles et un grand nombre de membres de l'Université allèrent entendre la première leçon du professeur, qui exposa avec une science, qui n'eut d’égale que l'éclat de son style, le rôle du peuple d'Israël dans l’histoire du monde. Amené à parler du fondateur du christianisme, il le caractérisa en ces termes : « Un « homme incomparable, si grand que, — bien qu'ici « lout doive être jugé au point de vue de la science positive « je ne voudrais pas contredire ceux qui l’appellent dieu ». Le professeur dès le début avait été interrompu par des signes de mécontentement et des clameurs, venant d’un groupe d'étudiants catholiques etil avait fallu tout le sang-froid et la fermeté d’Ernest Renan pour se faire entendre. Mais la phrase indiquée déchaîna une vraie tempête, au milieu de laquelle se termina le cours et qui continua dans la rue. Les plaintes cléricales contre le professeur, portées en haut lieu, trouvèrent, dit-on, un écho chez l'impératrice et le ministre, M. Rouland, par un arrêté pris cinq jours après (27 février), suspendit le cours de Renan, « parce que, disait-l, il avait « exposé des doctrines qui blessaient les croyances chré« tiennes et pouvaient entrainer des agitations regrelta-