Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE 59

paroles : « J’ai lu votre mémoire où j'ai trouvé de fort bonnes « choses ; mais, entre nous, elles sont un peu outrées. »

Les funestes eflets de la Révocation étaient si peu outrés par Vauban, que huit ans après, ils furent confirmés par les Mémoires sur l'état des Généralités, demandés aux intendants par le duc de Beauvilliers, pour l'instruction de son royal élève, le duc de Bourgogne. On y trouve des informations détaillées sur la ruine du commerce et de l’industrie" dans les généralités, où les protestants avaient été jadis agglomérés. C’est ainsi que l’industrie des soieries et rubans, florissante naguère à Lyon et dans le Bas-Languedoc, perdit vingt mille métiers sur vingt-six mille. La manufacture des chapeaux, renommée en Normandie, émigra en Angleterre et en Hollande ; celle des serges et des toiles y fut extrêmement diminuée. Le Poitou et la Saintonge perdirent 100 000 âmes et cette dermère vit languir sa marine marchande. L’Angoumois et l’Auvergne virent disparaître 3/4 de leurs moulins à papier. Enfin, la manufacture des toiles de lin, établie par J. Crommelin à Saint-Quentin et celles de drap créées par les protestants à Abbeville, Elbeuf et Sedan furent quasi ruinées. La population de la France, dans les trente dernières années du règne de Louis XIV, s’abaissa de 22 à 19 millions d’âmes !

Ces quelques chiffres éclairent d’un jour sombre les effets désastreux que l'abolition de la liberté de conscience produisit sur la situation économique de la France et qui se résument dans le mot de Calonne, en parlant du règne de Louis XIV: « Ce règne éclatant, où l'État s’'appauvrissait « par des victoires, tandis que le royaume se dépeuplait par « l'intolérance *?. »

Mais qui dira les pertes morales et intellectuelles qu'infligèrent au pays l’émigration des Jansénistes et des Réformés,

1. Bouramvirrers. £tat de la France, extrait des rapports des Intendants. Londres, 1727, 3 vol. folio. Comp. Borseurrserr. Détail de la France (1697), chap. v et xvir.

2. Discours à l’Assemblée des Notables, le 22 février 1707.