Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

58 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

violences exercées sur les dissidents, est sans contredit le maréchal de Vauban. Et ce nom nous amène à étudier les effets que la révocation de l'Édit de Nantes à eus sur la prospérité publique.

S 4. — Ce qui donne en effet plus de poids à son témoignage, c'est que Vauban n’a pas parlé seulement en moraliste ou en homme d’État, comme Saint-Simon, mais en économiste. Dans un mémoire portant ce titre, Pour le rappel Ds Huguenots ", présenté à Louvois, au mois d'octobre 1689, i constata que le projet de réunir tous les Réformés à V'É 7. catholique, apostolique et romaine avait échoué et que l'Édit révocatoire, loin de produire les effets attendus, avait causé les maux suivants : l’appauvrissement de nos arts et manufactures, la ruine de la plus grande partie du commerce, par suite du départ de 80 à 100 000 personnes, emportant plus de 30 millions de livres d'argent, l'accroissement des armées étrangères par 5 à 6oo officiers et 10 à 12 000 soldats français, beaucoup plus aguerris que les leurs.

D'après Vauban, l'emploi de la contrainte ne servait qu'à produire des impies, profaner les sacrements et qu'à grossir le martyrologe des Réformés ; car le sang des martyrs de toute religion a toujours été un moyen infaillible d'augmenter celles qui sont persécutées. « Les rois, continuait-il, sont « bien maîtres des vies et biens de leurs sujets, mais jamais « de leurs opinions, parce que les sentiments intérieurs sont « hors de leur puissance et que Dieu seul peut les diriger « comme il lui plaît. » Vauban concluait à ce que « Sa « Majesté, ne voulant plus que personne füt contraint dans « sa religion, rétablit l'Édit de Nantes purement et simple« ment, permettant à tous ses sujets, qui n'auront abjuré « que par contrainte, de suivre celle des deux religions qui « leur plaira. »

Ces sages conseils, hélas ! ne furent pas suivis. Le ministre de la guerre se borna à répondre au maréchal ces sèches

1. V. Ch. Reap: ouvrage cité, p. 96.