Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE 65

au caractère fier et indépendant, se plurent À braver tous les dangers pour prier Dieu suivant leur cœur. En vain les avaiton privés de leurs pasteurs réguliers, ilen parut d’improvisés, les « prophètes » et les prédicants du Désert. M. Charles Coquerel à rendu dans une page éloquente cet attrait des Rélormés pour le culte du Désert’.

C'est à cette même passion pour l'extraordinaire et le merveilleux qu'il faut attribuer le prestige exercé par les prophètes Cévenols et par les chefs des Camisards. Mais l'enthousiasme religieux qui avait pu transformer de simples bergers ou foresliers en prêcheurs ou en capitaines, étail incapable, en temps de paix, de fonder une œuvre durable ; il eût directement abouti à la licence ou aux aberrations des anabaptistes ou de certains mystiques. C'est ce que comprirent Antoine Court et ses collègues; ils rétablirent l'austère discipline, qui avait lait la vertu des anciens calvinistes ; ils réorganisèrent les églises suivant le régime presbytérien-synodal et assurèrent le recrutement de ministres instruits, par la fondation du séminaire de Lausanne (1726).

En 1745, les protestants français, bien que mis hors la loi, se sentirent assez forts pour célébrer leur culte de nouveau en plein jour, les dimanches et les jours de fête. Les Parlements eurent beau redoubler de rigueur, l'opinion publique se déclara en faveur des victimes contre les bourreaux ?. Les magistrats, depuis 1762, ne condamnèrent plus à mort pour cause de religion, les grâces accordées aux galériens ou aux recluses de la tour de Constance se multiplièrent. L'honneur de cette première victoire de la tolérance revient, avant tout, aux hommes de foi qui risquèrent leur vie et, souvent, versèrent leur sang pour la cause de la liberté de conscience ; mais une partie doit en être mise au crédit des écrivains qui plaidèrent cette cause dans leurs ouvrages.

1. Histoire des Eglises du Désert, tome I, p. 189.

2. Témoin le succès du drame, « L'honnéte criminel ou l'Amour filial », dans lequel Fenouillot de Falbaire représentait un fils prenant la place de son père, condamné aux galères pour cause de sa foi (1567).

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