Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

64 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

défendu de tenir ces assemblées en aucun lieu et sous aucun prétexte ; les prédicants où ministres qui en auraient présidé seraient condamnés à mort ; les hommes qui y assisteraient, aux galères à perpétuité”, les femmes auraient leur chevelure rasée et seraient recluses leur vie durant. Les parents ou tuteurs nouveau-converlis étaient tenus d'envoyer leurs enfants à ces écoles, jusqu’à l’âge de quatorze ans et même, pour les adultes illettrés, jusqu’à vingt ans. Is devaient les conduire à la messe tous les jours.

Les mariages devaient, en tous cas, être célébrés devant le curé ou le vicaire de la paroisse, pour être valables; il était défendu d'aller se marier en pays étranger, sous peine des galères pour les hommes et de bannissement à perpétuité pour les femmes.

Mais les articles les plus odieux étaient ceux qui concernaient les malades protestants. Les médecins, apothicaires ou chirurgiens étaient tenus de donner avis aux curés de tout nouveau-converli, atteint de maladie grave, et la famille devait laisser entrer « le curé auprès du moribond afin qu'il l'exhor« Làt, en particulier et sans témoins, à recevoir les sacrements « de la religion catholique. Si le malade refusait de les ac« cepter, en cas de guérison, il était banni à perpétuité; en « cas de mort, il élait traité comme relaps et son corps jeté « à la voirie. » Joly de Fleury assure que le chancelier d'Aguessau rédigea cet édit; il se trompe, un Baville seul a pu concevoir de tels procédés d’inquisition contre la conscience.

Mais il y a dans l’âme humaine, pénétrée d'une foi sincère et ardente, des ressources inépuisables d'énergie et d’endurance. La conscience des chrétiens protestants fut plus forte que tout cet arsenal de lois civiles et de mesures inhumaines, exécutées à l’aide de la force armée; elle sortit victorieuse de ce combat à feu et à sang. Les montagnards des Cévennes et du Béarn, ces hommes à l'imagination ardente,

1. Les souffrances des galériens ont été décrites dans les mémoires de Jean Marteilhe. Comp. l’article dE. Lavisse, sur les galères du Roi, Revue de Paris, 15 novembre 1893.