Histoire de la Révolution, 1747-1793 [i.e. 1774-1793]. République

DE FRANCE, 155

mode : son frac de velours rouge était rehaussé par une garniture de boutons richement entourés et représentant les douze Césars; c'était un des insignes des jeunes gens qui donnaient le ton. Les mains du cavalier étaient cachées dans un manchon de martre garni de rubans verts posé sur ses genoux, lequel portait son épée et ses patins. Une culotte de velours mordoré, des bottines à gland, une cravate longue, dont le nœud empesé à larges pansretombait carrément sur sa poitrine, des cheveux poudrés à frimas, une large bourse noire complétaient sa parure. L'élégant patineur descendit du traîneau, chaussa ses patins, et bientôt tous les regards suivirent les mille passes qu'il dessina ; tous les jouteurs furent éclipsés par ce roi de ladresse. Il se fendait: gracieusement, tournait sur lui-même, et brodait la glace de mille lacs fantastiques; arrivé devant la reine, l'habile patineur s'arrêta, puis s’inclinant et faisant une passe, 1l traça le chiffre de Marie-Antoinette. La reine fit un léger salut de la main, et un murmure d'admiration accueillit le héros de l'agilité. Tandis qu'il occupait l'attention de la reine, il traça d'un mouvement rapide un mot au-dessous du chiffre; mais Marie-Antoinette seule le pouvait lire, c'était un mot allemand, La reine se troubla : le mot était péril. Cet homme était Saint-Georges, le beau mulâtre, le roi de lescrune, le dictateur de Ja mode. Il était aussi le commensal intime du duc d'Orléans, et fun des