Histoire de la Révolution, 1747-1793 [i.e. 1774-1793]. République

DE FRANCR, tn

il lui dit : « Bonjour, monsieur not’ maire ; baillez« nous donc une prise! » Châtel tend sa tabatière, et l’homme continue ainsi : « Tenez, mon« sieur not maire, aussi vrai comme je tiens c'te « prise de tabac dans ces doipts-ci, ce soir nous « Jouerons à la boule avee vot tête! » Châtel répondit en riant à ce propos; il le prit pour une des plaisanteries du temps. Sa famille effrayée le supplia de se cacher; il sourit, et continua ses soins pour les approvisionnemens. :

Tandis qu'il travaillait au bien public, la mort s'avançait. Bientot les hurlemens de l'insurrection vinrent jusqu'à lui; les groupes se réunirent et marchèrent vers la mairie. L'homme de bien vit alors le danger; il sortit par une porte dérobée et se réfugia au presbytère ; puis craignant de livrer deux victimes au lieu d’une, il se fait ouvrir l'église et va chercher refuge dans le clocher,

La demeure du curé est fouillée; les cris de mort percent l'air, ils montent jusqu'à Châtel : saisi d’effroi, il veut chercher une retraite plus sûre et se hisse au sommet de la sonnerie. Cette prévision amena sa perte; le poids de son corps ébranle la cloche, elle tinte : c’est le signal de mort. L’émeute crie « au clocher, au clocher!» et bientôt le supplice commence. La victime garrottée est traînée par les pieds jusque dans l'église. Sa tête frappe sur chaqne marche. Celui qui avait nourri le peuple est mutilé par le peuple ! Châtel est promené par la ville: son corps

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