Histoire de la Révolution, 1747-1793 [i.e. 1774-1793]. République

382 HISTOIRE

« mouvoir ces rouages, et en deux heures il « pourrait moudre assez de blé pour nourrir une « famille. — Papa,» s’écria le jeune prince, sje « suis un enfant; laissez-moi eSsayer le moulin : « je serais bien aise de nourrir une famille. » Louis XVI céda à ce désir, et le dauphin travailla sans relâche jusqu'à ce que le grain apporté pour essai fût broyé. Alors, essuyant son front, il dit avec élan au mécanicien : « Tenez, vous donnerez « cette farine aux pauvres, et vousleur direz que « c'est moi qui l’aimoulue. » Ainsi la bienfaisance se développait par l'exemple dans cette jeune plante qui ne devait pas grandir.

Entouré de tendresse et d'hommages, le royal enfant folâtrait sous le nuage qui recélait la trombe. Jusqu'à sept ans il n'eut que des sourires ; depuis lors il n’eut plus que des pleurs.

Après les troubles de Versailles, quand le roi et sa famille furent consignés aux Tuileries, on voulut épargner au dauphin l'aspect de la captivité. La geôle était un palais; il fut facile de la rendre belle aux yeux de l'enfance. Un petit jardin fut créé pour le prince, à l'extrémité de la terasse du bord de l’eau : là, revêtu de l’uniforme civique, qui avait remplacé les broderies de cour, il jardinait joyeusement. Il n'y avait point de barrière entre le peuple et le fils de France ; une simple treille marquait les limites de son apanage de gazon, et l'enfant quétant l'amour, comme l'élément de la vie, offrait des