Histoire des deux conspirations du général Malet

94 HISTOIRE DES DEUX CONSPIRATIONS

Et il n’était pas tendre le régime des prisons, sous la domination du premier Bonaparte, surtout pour les honnêtes gens coupables de haine contre l'empire, et qu’on détenait sans jugement. C’était à faire regretter les douceurs de la Bastille. Au seuil de ces prisons d’État, renouvelées de l’ancien régime, on aurait pu creuser dans le marbre l'inscription placée par le Dante à la porte des enfers : « vous qui entrez ici, laissez de côté toute espérance. » Privé d’air et de soleil, sans feu l’hiver, mal nourri, mal vêtu, couché sur un peu de paille malpropre, soumis aux formalités les plus humiliantes, sans communication aucune aveclextérieur, le prisonnier d’État était une victime prédestinée à la tombe; il ne vivait plus, il mourait lentement.

Combien sont morts entre les murs de Ham, de Vincennes, de la Force, de Sainte-Pélagie et des autres géhennes répandues sur la surface de l’empire! combien sont morts fous de douleur, brisés, vieux avant l’âge et dont les plaintes n’ont jamais pu franchir les portes de leurs cachots! Un trou à lPécart recevait le corps du malheureux, et tout était dit.

Si par hasard le eri d’un de ces damnés parvenait aux oreilles du maître, il ne rencontrait guère d’écho dans la poitrine de ce tyran inflexible où ne battait