Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

40 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

est plutôt défavorable. Il visite d’abord le Luxembourg, puis le Pont Neuf, qui est le centre du mouvement et de la circulation :

« Le cheval d'Henri IV ne vaut pas celui de Louis XV à Bordeaux, dit-ilt. La Samaritaine ne répond pas à la grande idée que je m'en étais formée. Les rues sont détestables, que les piétons y sont à plaindre! La malpropreté y est poussée au dernier degré. Ne t'inquiète pas des voitures, j'y fais grande attention, et puis le nombre n’en est pas aussi grand qu’on pourrait l'imaginer.

« Paris, en général, ne m'a nullement frappé; je m'attendais à beaucoup plus. Je crois que la Révolution l'a un peu changé; mais ie peu d'effet qu'il a produit sur mon esprit vient des idées exagérées que l’on m'en avait faites. » ‘

Mais à mesure qu'il pénètre dans les beaux quartiers de la capitale l'indifférence et le dédain du jeune homme se changent en une admiration sans bornes. Aussitôt installé il se rend, ainsi que Terrier, au Palais-Royal, que l'on appelle la capitale de Paris, et dont la réputation de merveille, unique au monde,

4. Le Pont Neuf, dit Mercier, est pour Paris ce que le cœur est dans le corps humain. Tout le monde y passe : pour rencontrer les personnes que l’on cherche, il suffit de s’y promener une heure chaque jour. Les mouchards chargés de retrouver les criminels s'installent sur le Pont Neuf et quand, au bout de quelques jours, ils ne voient pas leur homme, ils affirment

hardiment qu'il n'est pas à Paris.