Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)
PENDANT LA RÉVOLUTION. 15
hôtels de l'aristocratie. Bientôt la perspective s'égaye et ils aperçoivent les bains Chinois avec leurs clochetons, leurs lanternes, leurs pagodes, puis le pavillon de Hanovre, l'hôtel du comte de Mercy-Argenteau, les superbes jardins des hôtels de Saint-Farre, d'Uzès, de Talaru, ete. Partout ils rencontrent des marchands en grand nombre, partout ils trouvent une animation extraordinaire. À partir de l'Ambigu tous les phénomènes, toutes les monstruosités se donnent rendezvous pour solliciter l'attention du public; on n’'entend que cris étranges, on ne voit que baraques foraines; dans l'une, on montre des oiseaux qui portent de l’eau ou des poissons qui prédisent le temps ; dans l’autre, un animal fantastique venu du centre de l'Afrique, et qui n'est autre qu'un porc-épic; une troisième exhibe aux badauds enthousiasmés une Chinoise sans bras, qui écrit avec sa bouche et file avec ses pieds!
Puis viennent les petits théâtres : les DélassementsComiques, le théâtre des Grands Danseurs du Roi, le salon de Curtius’, des charlatans avec leurs tréteaux, des joueurs de gobelets, ete. Puis les cafés-concerts,
1. Les figures ea cire de Curtius étaient très célèbres et très visitées; on y voyait les grands écrivains, les jolies femmes et les voleurs fameux; on y voyait aussi la famille royale assise à un banquet : « Entrez, entrez, Messieurs, criait-on à la porte, venez voir le grand couvert, c’est tout comme à Versailles. » Curtius faisait quelquefois jusqu'à cent écus par jour avec ses mannequins enluminés.