Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

298 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

«M. Pétion s’est rendu, avant-hier, chez le Roi. A son arrivée, Louis XVI a fait sortir tout le monde de sa chambre, et même M. Roland de la Plâtrière, ministre de l'intérieur. Ils sont demeurés environ deux heures ensemble, et tout ce que l'on peut dire de cette conférence secrète, c'est qu'elle a été très échauffée, et que le Roi parlait très haut et d’une manière véhémente. Notre digne maire, qui ne sait pas flatter, et à qui l'on connaît une grande franchise, lui aura dit quelquesunes de ces bonnes vérités, telles qu'il aurait besoin d'en entendre souvent, et le gros Capet se sera fâché tout rouge. Ces petites scènes n'altèrent point la modération de Pétion ; mais quoique sa douceur et sa tranquillité l’aient fait regarder par quelques aristocrates comme un bonhomme, ce bonhomme pourra bientôt leur développer son caractère et leur donner, du fil à retordre. Au reste, une anecdote sûre, c'est que ces jours passés le Roi a été trouvé se promenant seul, à minuit, dans les allées des Tuileries, éloignées du château et près du Pont-Tournant. Il avait l'air fort agité; on lui a demandé ce qu'il faisait là à l'heure qu'il était; il s'est troublé, enfin il a répondu qu'il prenait le frais. Note que les nuits dernières ont été très froides et pluvieuses. Ce fait et plusieurs autres rapprochements donnent beaucoup à penser. Le bruit se répand que, dans la séance du 28 au 29, l'Assemblée a suspendu, pour un temps limité, l’effet du veto royal. Le faubourg de Gloire entoure l'enceinte de l'As-