Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)
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LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT
émotion dans tous les cœurs et fut très applaudie. « Je la vis jouer ensuite dans une comédie, ce qui me surprit beaucoup; ce n'était plus la même personne, ce n'était plus cette Médée énvicta et ferox, c'était une bonne femme, gaie, contente; elle attira encore tous les suffrages dans ce nouveau rôle. Comment, m'écriai-je, peut-on exceller dans deux genres si différents? Je l'avais vu faire à M. Larive, à Bordeaux, mais je croyais qu'il était le seul. J'admirai aussi le jeu facile et le grand usage de la scène de Mile Comtat. J'ai oublié de te parler de la belle déclamation de MM. Saint-Phalle et Vanhove. Quoique les vers de Médée soient en général durs, de difficile prononciation et quelquefois prosaiques, ils paraissaient sonores et pleins d'harmonie dans leurs bouches. » Edmond retourne fréquemment aux Français, et il est assez heureux pour revoir Larive qu'il avait déjà vu à Bordeaux. Le célèbre comédien avait abandonné la scène depuis longtemps; en 1790, il ne consentit à remonter sur le théâtre que sur les sollicitations instantes de l'abbé Gouttes, président de l'Assemblée nationale. L'abbé, ancien vicaire au Gros-Caillou, où Larive habitait!, était resté dans les meilleurs termes avec son paroissien ; il lui montra sa rentrée comme
1. Larive (Jean Mauduit de) (1749-1827) possédait une demeure somptueuse : « IL y recevait avec beaucoup de dignité dans une vaste pièce où son lit était dressé sous une tente que décoraient les portraits de Gengiskan, de Bayard, de Tancrède,