Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 341

breux et les seconds beaucoup. Dans cet état de faiblesse, nous, républicains, nous sommes exposés à deux feux : celui de l'ennemi, placé au dehors, et celui des royalistes placés au dedans. Il est un directoire royal qui siège secrètement à Paris, et correspond avec l'armée prussienne. Pour le déconcerter et empêcher sa funeste correspondance avec l'étranger, il faut... il faut faire peur aux royalistes! C'est dans Paris surtout qu'il vous importe de vous maintenir, et ce n’estpas en vous épuisant dans des combats incertains que vous y réussirez. )»

Cette opinion l'emporte : l'on décide de demeurer à tout prix dans la capitale et, au besoin, de s'ensevelir sous ses ruines.

Dans le public, la haine contre les aristocrates, contre les traitres, contre les conspirateurs augmente chaque jour. On se plaint de la lenteur du tribunal chargé de punir les crimes du 10 août. Tout à coup, l'on apprend que l'ancien ministre Montmorin vient d'être acquitté. L'indignation éclate : décidément la trahison est partout. En même temps les bruits les plus menaçants circulent dans le public : on parle d'une vaste conjuration : les prisonniers, armés par des traitres, doivent s'enfuir de leurs prisons, égorger les patriotes et ouvrir la ville aux Prussiens. Ce n'est pas seulement dans la lie du peuple que ces bruits trouvent créance; les artisans, la bourgeoisie, sont convaincus de leur réalité. Les têtes se montent, les