Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

546 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

comprend ni le caractère, ni la portée de cet atroce événement; on s'imagine que des criminels seuls ont succombé, et, l'on se dit que si l'humanité en souffre, le salut de la patrie l’a exigé.

Mme X. écrit simplement :

«2 septembre 1792.

« Quand on veut la fin, il faut vouloir les moyens ; point d'humanité barbare Le peuple est levé, le peuple, terrible dans sa fureur, venge les crimes de trois ans des plus läches trahisons. Oh, mon ami! je me réfugie dans vos bras, pour verser un torrent de larmes; mais je vous crie avant tout : la France est sauvée! Ces larmes, je les répands sur le sort de nos malheureux frères patriotes, tombés sous le fer des Prussiens. Verdun est assiégé et ne peut tenir que deux jours. La joie de nos féroces aristocrates contraste avec notre profonde affliction. Écoutez; tremblez : le canon d'alarme fonne vers midi; le foesin sonne, la générale bat. Des proclamations pathétiques de la municipalité fixaient l’attention du peuple et touchaient son cœur : « Volez au secours de vos frères! Aux armes: aux armes! » Chacun s’empresse, court. La fureur martiale, qui a saisi tous les Parisiens, est un prodige; des pères de famille, des bourgeois, des troupes, des sansculottes, tout part. Le peuple a dit: Nous laissons : dans nos foyers nos femmes, nos enfants, au milieu de nos ennemis ; purgeons-en la terre de la liberté.