Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 547

Mon ami, je jette ici, d’une main tremblante, un voile sur les crimes qu'on a forcé le peuple à commettre par tous ceux dont il est depuis trois ans la triste victime. Les noirs complots qui se découvrent de toutes parts portent la lumière la plus affreuse et la conviction la plus certaine sur le sort qui attend et menace les patriotes; s'ils ne font pas périr, ils périssent! Atroce nécessité, ouvrage funeste de nos ennemis! Des têtes coupées, des prêtres massacrés.... Je ne puis vous en faire le récit, quoiqu'éclairée par ma raison, qui me crie : les Prussiens et les rois en auraient bien fait autant et mille fois davantage. Mon Dieu! ayez pitié d'un peuple qu'on précipite dans la voie du carnage en le provoquant ; ne lui imputez pas!. »

Quant à notre étudiant, nous connaissons assez ses sympathies pour prévoir les appréciations qu'il va porter sur les événements :

« Du 4 septembre 1792. L'an IV° de la liberté, L'an 1« de l'égalité.

« Depuis avant-hier, mon cher ami, nous sommes entourés d'inquiétude, investis d'épouvante. Dimanche, environ vers midi, l’on tira sur le Pont-Neuf le canon d’alarmes et le tocsin sonna à la Maison commune. Au milieu du tumulte et de la rumeur publique, j'appris que Verdun, la dernière place forte avant Paris, était au pouvoir des Autrichiens; cette terrible nouvelle me

1. Journal d'une Bourgeoise.