L'atomisme d'Épicure
— 103 —
ier la consolation que donnait sa philosophie : la consolation du non-être. Mais le philosophe même regardait chaque espèce de foi dans la vie après la mort comme une source de troubles et d’alarmes. Il est vrai que la religion de son peuple (x) jus tifiait en quelque sorte cette attitude d'Epicure. Maïs nous pensons néanmoins que c'était principalement une tendance intime qui a suggéré à notre matérialiste la doctrine qu'on ne doït pas craindre le non-être. Comme il a dirigé les hommes vers l’afaraxie, comme vers le refuge suprême délivrant des inquiétudes et des alarmes de cette vie douloureuse, ainsi il a conçu qu'après la mort il n'y aurait que non-existence, identique au repos absolu. Par cette conception il a désiré procurer la tranquillité de l’âme à lui et aux autres hommes. Epicure, paraît-il, ne pouvait pas croire que l'existence en soi, dans cette vie ou dans une autre, qu'il s'agisse de l’existence de l’âme liée au corps ou de celle de l’âme seule, puisse être dépourvue de douleur. En unissant l'existence et la douleur, comme deux notions inséparables, il se consolait luimême en enseignant qu'après cette vie il n'y a plus d’existence. Guyau a raison de comparer la mort d’Epicure par son éminence à celle de Socrate (2), mais il se trompe en pensant que le philosophe matérialiste mourut sans espoir. Car l’espérance d’Epicure qu'il deviendrait absolument insensible après la mort était pour lui aussi heureuse que l'était pour Socrate la croyance qu'il gagnerait l’immortalité en franchis. sant Ile seuil de la mort. L'idée d’un bonheur sans immortalilé d'Epicure n'était pas seulement une hypothèse rationnelle, comme les idées semblables de Strauss et de Büchner ; elle
(4) Martha, qui attribue faussement Ja doctrine exposée dans le III livre de De R. N. à Lucrèce (quoiqu'il dise aussi, se contredisant lui-même, à Ja page 149 de son ouvrage, à propos des preuves pour la mortalité de l’âme, que Lucrèce probablement ne fait que mettre en vers quelque livre épicurien), traite bien la conception sur la vie après la mort dans Ja religion grecque et latine : « Cest une erreur de croire qu'il y eût pour les anciens quelque chose de désolant dans la négation de la vie future. Elle était l'objet de la terreur, et non pas de l'espérance » (Quvr. cité p. 134-135).
(2) Cf Ouvr. cité p. 190.