La caricature anglaise au temps de la Révolution française et de Napoléon

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opprimés et des ennemis de la patrie. La procession recule devant le souffle de Pitt. On nous! montre aussi la balance divine : sur un plateau la couronne d’Angleterre et la Bible, sur l’autre plateau la tiare et des \chaines; la protection céleste fait pencher la balance du bon côté.

Cependant la menace napoléonienne est là: si Bonaparte débarquait en Angleterre ! Eh bien, qu'il y débarque! Gillray lui annonce le sort qui l'attend « dans les quarante-huit heures: » sa tête promenée au bout d’une pique. Il se croit bien grand, cet usurpateur: qu'il sache donc que le roi d'Angleterre est plus grand que lui; George III, devenu un géant de Gulliver, géant du pays de Brobdingnag, tantôt regarde avec sa lunette le petit Napoléon qu'il tient dans le creux de sa main, tantôt se divertit à voir ce nain qui manœuvre une escadre dans un bol de punch: maigre et court personnage au grand chapeau, dont le sabre et l'habit traînent derrière lui, et qui prend des airs de matamore. Admirons ici encore la persistance des impressions anglaises: ces caricaturistes ont toujours dans l'œil le profil pointu du jeune général; ils ne se sont jamais doutés que Napoléon eût engraissé. Donc ce fantoche menu veut prendre pour lui seul tout le globe; mais tantôt Pitt le lui dispute avec un grand couteau pour partager le plum-pudding rond sur lequel nous vivons tous: à l’un la mer, à l’autre le continent; tantôt John Bull en personne le boxe et l'aplatit sur le pôle. Lorsque le ministre patriote est mort, sa statue reparait, mais elle n’a plus rien d’ironique comme naguère sous le crayon de Rowlandson. Elle porte ces deux devises louangeuses : « Intégrité. I1 a vécu non pour lui, mais pour sa patrie. »

Que va devenir l'Angleterre privée d’un tel serviteur,