La caricature en Angleterre. 3, Caricatures politiques : George III, Fox, Pitt, la Révolution française et Napoléon
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LA CARICATURE EN ANGLETERRE. 923
et l’autre célébra la révolte des grenouilles hollandaises sortant de leur marais pour joindre leur coassement aux cris de la ménagerie européenne qui a brisé ses cages.
Arrive la catastrophe finale, puis le retour de l’île d’'Elbe. George Cruikshank nous montre Napoléon pénétrant à l’improviste dans la salle où Le Congrès de Vienne tient ses délibérations. Rien de moins honorable que l’attitude des plénipotentiaires, ou plutôt des différentes nations qu'ils représentent. Seule l’Angleterre met la main sur la garde de son épée et se prépare à la lutte. Enfin, voici le dernier acte du drame dont le caricaturiste a accepté l’ingrate mission de faire une comédie. Napoléon est enchaîné au grand mât du Bellérophon et regarde tristement une potence qui s'élève pour lui sur la côte anglaise. Caricature précieuse : elle nous fait deviner que, si, en juillet 1815, le gouvernement du Régent fut lâche et cruel envers Napoléon, l'opinion publique eût compris et approuvé des rigueurs encore plus grandes et que l'Angleterre d'alors se crut clémente envers son adversaire.
L’ennemi véritable, c'était la France elle-même. Le caricaturiste se retourna contre le nouveau souverain que nous devions, en partie, aux armes et à la diplomatie anglaise. Louis XVIII, soutenu par toutes les puissances de l’Europe, s’épuise en efforts pour grimper à un mât de cocagne au sommet duquel est suspendue la couronne. Et Napoléon, qui le regarde de loin, s’écrie : « Moi, j'y suis monté deux fois tout seul! » Puis nous voyons le gros Louis en blanchisseuse, qui savonne, à tour de bras, le drapeau tricolore pour le ramener à la blancheur immaculée de l’étendard d'Ivry et de Fontenoy. Et Napoléon, toujours sarcastique, de dire : « Il n’y arrivera pas; la couleur est dans l’étoffe. » Est-ce justice envers le vaincu, qui est désormais hors d'état de nuire? Est-ce animosité envers son successeur qui, désormais, incarne l’éternelle rivale? Je ne me charge pas de le décider.
À partir de ce moment, la caricature oublie Napoléon sur son rocher; elle ne troublera plus son agonie.
AUGUSTIN FILon.