"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (oštećen primerak)

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CHAPITRE 11.

Lorsque nous lisons simplement ces poésies, elles ne conservent pour nous de valeur extraordinaire que si notre esprit, notre raison, notre imagination, notre mémoire, se sentent par elles vivement excités, si elles nous présentent une peinture immédiate des traits originaux d’un peuple primitif, si elles nous retracent avec une clarté et une précision parfaites les pays et les mœurs au milieu desquels elles sont nées. Comme ces chants sont presque toujours la peinture d’une époque primitive faite par un siècle plus moderne, nous exigeons que le caractère des temps primitifs ait été conservé par la tradition sinon d'une manière absolue, au moins dans ses parties principales ; nous voulons que le style soit en harmonie avec la simplicité des premiers âges, et nous nous plairons par cette raison à une poésie naturelle, sans art, à des rythmes peu compliqués, et même peut-être monotones ; tels sont les chants grecs et les chants serbes. Et dans une de ses conversations recueillies par Eckermann. il s’exprime ainsi au sujet de cette poésie : « Mais, passons là-dessus et occupons-nous de notre énergique jeune fille de Halle dont l’esprit viril nous introduit dans le monde serbe. Les poésies sont excellentes ! 11 y en a dans le nombre quelquesunes qui se placent à côté du Cantique des Cantiques, et ce n’est pas là un petit éloge. J’ai terminé mon article sur ces poésies, et il est déjà imprimé. » En disant ces mots, ajoute le « fidèle Eckermann », il me tendit les quatre premières feuilles d’une nouvelle livraison A'Art et Antiquité, où je trouvai cet article L Après de telles louanges, les deux maîtres, le savant et le poète, ne restèrent pas les seuls en Allemagne et en Europe à s’occuper de la poésie populaire serbe. Déjà en 1823, une jeune dame allemande, qui ne manquait ni d’intelligence ni d’esprit, commença à étudier la langue serbe, traduisit une grande partie du recueil de Karadjitch, et en publia deux volumes, sous les auspices de Goethe 2 . C’était « notre énergique jeune fille de Halle », M IIe von Jakob mieux connue sous son

1 Eckermann, Conversations avec Goethe, trad. par Émile Délerot, Paris, 1863, t. I, p. 154. 2 Volkslieder der Serben, melrisch übersetzt und historisch eingeleitet von Talvj [Thérèse-Albertine-Luise von Jakob], Halle, 1825 et 1826, 2 vol. in-8». L’ouvrage eut trois éditions.