"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

PRÉFACE.

IX

comme son principal informateur, l’abbé Fortis, naturaliste italien, qui a visité l’lllyrie en 1771 et qui, dans le récit de son voyage, avait joint à ses copieuses observations scientifiques quelques données sommaires sur l’histoire des moeurs et sur la littérature populaire. Mérimée faisait encore négligemment allusion à certaine compilation de statistique dont l’auteur était « un employé du Ministère des Affaires étrangères », qu’il ne prenait pas la peine de nommer. Avec ces maigres moyens, il avait deviné la poésie des Slaves de la région balkanique et s’était plu à montrer combien il est aisé de fabriquer cette « couleur locale » qui était le grand secret du romantisme. Si Mérimée avait fait cela, ce serait une véritable création exnihilo. Mais il n’en est rien, et M. Yovanovitch nous révèle impitoyablement à quel fonds Mérimée a emprunté le thème de chacune de ses ballades. Il est parti de ce principe que toutes les civilisations et toutes les races traversent, à un moment donné, la même phase mentale où leur poésie populaire exprime, avec une naïveté parfois féroce, les mêmes passions violentes. Et, s’inspirant de cette donnée, il a cherché ses primitifs aussi bien dans les chansons du Border écossais que dans de vieux contes chinois, dans les idylles de Théocrite comme dans les pages de l’ancien Testament. Quant à la « couleur locale » dont il se moquait