"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

100

CHAPITRE PREMIER.

Dites que si, le soir, sous des porches gothiques, L’Angelus réunit deux auteurs romantiques, Le plus naïf des deux dit à l’autre innocent : Monsieur a-t-il goûté l’eau des mers et le sang ? A-t-il pendu son frère ? Et lorsque la victime Rugissait palpitante au-dessus d’un abîme, A-t-il, tranchant le nœud qui l’étreint sans retour, Vu la corde fouetter au plafond de la tour 1 ? Cette satire est de 1825, Han d’lslande de 1823, Smarra de -1821 ; ce n’est donc pas sans raison qu’un autre ennemi de cette littérature macabre, accusa Nodier d’avoir inauguré la série 2 . Du reste, Smarra agit directement : Victor Hugo s’en souvint dans la Ronde du Sabbat, qu’il dédia, ce serait une preuve suffisante, « àM. Charles N. » : Goules dont la lèvre Jamais ne se sèvre Du sang noir des morts !... Psylles aux corps grêles Aspioles frêles... Volez oiseaux fauves, Dont les ailes chauves, Aux ciels des alcôves Suspendent smarra 3 . En 1835, un certain M. Brisset, donna un conte poétique, le Mauvais œil, tradition dalmate, qui n’est autre chose qu’un Smarra plus farouche et plus lyrique encore : l’imitation y va quelquefois jusqu’au plagiat. (Urbain Canel, éditeur.) De même que, beaucoup plus tard, Théophile Gautier se rappela Nodier et sa nouvelle dans les « fantasmagories confusément

1 Jules Marsan, Notes sur la bataille romantique (Revue d’histoire littéraire, 1906, p. 596). - Victor Vignon Rétif de la Bretonne, dans sa parodie Og, Paris, Hubert, 1824, in-12. 3 Odes et Ballades, Paris, Hetzel, p. 300.