"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

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Et le Fou chante, ces vers touchants : Viens, viens, ô mort ! Sir Philip Sidney n’etait pas moins enthousiaste de ces vieux chants ; voici ce qu'il dit d’un des plus anciens, la célèbre, ballade de la Chasse dans les monts Cheviot: « Je n’ai jamais entendu le vieux chant dePercy et Douglas, sans avoir senti mon cœur plus ému que par le son de la trompette. Et pourtant qu’est-ce qui le fait entendre? Quelque ménétrier aveugle, dont la voix n’est pas moins rude que le style. Si dans ce mauvais accoutrement, souillé de la poussière et des toiles d’araignées de cette époque grossière, ce poème nous remue de la sorte, que ne ferait-il pas s’il était paré de l’éloquence magnifique d’un Pindare 1 ? » Mais ce goût ne dura pas longtemps, et vers le commencement du xvn e siècle la ballade populaire tomba en discrédit. Il paraît que les ménétriers ou chanteurs ambulants répandaient un esprit de révolte en célébrant les exploits des outlaw de la frontière écossaise, car, en ■1597, la reine Élisabeth rendit une ordonnance par laquelle les pauvres poètes furent assimilés à des « coquins, vagabonds et mendiants effrontés » et menacés des peines les plus sévères 2 . En Écosse, rapporte Chambers dans ses Annales domestiques, sous la régence de Jacques Morton (1572-1576), la peine de

The spinsters and the knitters in the sun And the free maids that weave lheir thread with bones Do use to chant it : it is silly sooth, And dallies with the innocence of love Like the old âge. 1 Sir Philip Sidney, Defence of Poesie, Londres, 1580. (Cité par M. Bonet-Maury, G.-A. Sürger et les origines de la ballade littéraire allemande, Paris, 1889, p. 27.) 2 Ibid.