"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

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sa langue et sa littérature sont artificielles et savantes, et moins sa poésie ressemblera à une versification de commande et à une lettre morte! C’est du lyrisme, delà vie, de la cadence, du chant, de la présence vivifiante des images, de l’accord et pour ainsi dire de la pression des faits et des sentiments, de la symétrie des mots, des syllabes et souvent même des lettres, de la nature, de la mélodie et de cent autres accessoires qui sont le caractère propre et la vie de la poésie nationale et chantée, mais qui aussi disparaissent avec elle, c’est de tout cela et de cela seul que dépendent la nature, le but, la force merveilleuse qui font de cette poésie l’enthousiasme, le ressort, la joie, le chant héréditaire et immortel du peuple. Ce sont là les traits avec lesquels cet Apollon sauvage perce les coeurs et fixe le souvenir. Plus un Lied doit durer, plus ces qualités qui tiennent en éveil les âmes doivent être énergiques et sensibles, pour braver la puissance du temps et les révolutions des siècles 1 . » Vers la fin de son Essai, il se plaignit du genre faux dans lequel était tombée la romance en Allemagne. « Vous déplorez, disait-il, que la romance, ce genre de composition originairement si noble et solennel, ait été mise chez nous au service de sujets burlesques ou scabreux, je le déplore comme vous. En effet, quel plaisir plus profond et plus durable ne laisse pas une de ces douces et touchantes romances de la vieille Angleterre ou des Provençaux ; au lieu de nos récentes romances allemandes toutes pleines de railleries et de jeux de mots vulgaires et usés! » En 1777, l’infatigable écrivain publia sa Dis sert ation sur la ressemblance de la poésie anglaise et allemande

1 Joret, Herder, Paris, 1875, p. 478.