"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA. GUZLA ».

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honoraire de docteur en philosophie ; le gouvernement russe lui faisait une pension ; le roi de Prusse lui remettait une belle décoration. Nous nous occuperons seulement du célèbre recueil de Karadjitch, les Narodné srpske Piesmé ou Chants populaires serbes, œuvre qui « constitue encore le plus beau monument de la poésie populaire dans les pays slaves ». (Louis Léger 1 .) Avant de dire le grand succès de cette publication, il nous faut consacrer quelques lignes à la poésie serbe en général; nous ne pourrons mieux faire que de citer une remarquable appréciation qu’en a donnée M lle von Jakob, l’amie de Goethe, l’un des meilleurs connaisseurs en fait de poésie populaire 2 . Cette appréciation est doublement intéressante : d’abord en ce qu’elle est faite par une étrangère qu’on ne saurait soupçonner de prévention patriotique; ensuite parce qu’elle émane d’une femme : il y a, en effet, dans la poésie populaire un élément naïf, sensitif, qu’une femme d’esprit peut analyser avec plus de finesse qu’un érudit. La poésie des Serbes, dit-elle, est liée de la façon la plus intime à leurs usages, à leurs coutumes, à leur vie même. C’est le tableau de leurs pensées, de leurs sentiments, elle reflète leurs actions et leurs souffrances. Elle représente avec une poétique fidélité les diverses

1 Nouvelle Revue du 15 juin 1908, p. 448. 2 On estime toujours son ouvrage Versuch einer geschichtlichen Charakteristik der Volkslieder germanischer Nationen, mit einer Uebersicht der Lieder aussereuropaischer Yôlkerschaften, Leipzig, 1840. Sur la poésie serbe, lire : Karadjitch, Préface du.tome IV des Chants serbes, Vienne, 1833 (en serbe) ; Talvj [M Ue von Jakob], Historical View of the Slavic Languages and Literature, New-York, 1850 ; Stoyan Novakovitcb, Préface au recueil de Pétranovitch, Belgrade, 1867 (en serbe) ; Pypine et Spasowicz, Histoire des littératures slaves, trad. par É. Denis, Paris, 1881, pp. 367-396; Auguste Dozon, l’Épopée serbe, Paris, 1888, Introduction.