"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE 11.

serbe rappellent, on l’a déjà remarqué, la manière àla fois naïve et sublime d’Homère 1 . Il faut signaler aussi l’uniformité de style et de langue qui caractérise les ballades serbes. En effet, si l’on compare les pièces toutes récentes avec les plus anciennes, rien, sinon l’incident qui en forme le fond, ne nous avertit qu’il y a entre elles un intervalle de plusieurs siècles. Conservées uniquement par la tradition orale, les piesmas ont dû subir au cours des temps de très importantes modifications, surtout dans la forme 2 . Les piesmas héroïques se répartissent, au point de vue de l’histoire, en quatre grandes époques. A la première appartiennent les poèmes qui renferment quelques souvenirs des traditions mythologiques ou des coutumes primitives, souvenirs que met en lumière la comparaison qu’on en peut faire avec les chansons des autres peuples slaves ou avec les légendes communes à tous les peuples indo-européens; presque toujours ces anciens motifs ne sont arrivés jusqu’à nous que mêlés à des documents beaucoup plus récents; les croyances païennes se sont altérées sous l’influence du Christianisme ; quelquefois la couleur, les noms sont chrétiens, et le fond du récit est païen. Telles sont les chansons où apparaissent les vilas' A , les dragons, les monstres à trois têtes ; celles qui racontent des aventures miraculeuses, les légendes chrétiennes populaires : le Serpent marié, Momir l’enfant trouvé (histoire d’OEdipe), la Tsarine Militsa et le dragon de lastrébats, Marie aux enfers et quelques autres. Il convient

1 A. Dozon, ibid., pp. lXxi-lxxii. 2 Dès le vi e siècle, les écrivains byzantins attestaient l'existence de poètes chanteurs parmi les Slaves païens. 3 Personnages mythiques qui ressemblent aux nymphes de l’antiquité et que les Russes appellent roussalkas.