"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

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De même, une bande d’imposteurs bulgares, jalouse de la célébrité de Vouk St. Karadjitch, lança vers 1860 à travers les pays balkaniques un prétendu Veda Slave, sous les auspices d’un nommé Verkovitch. Ce livre fit bien des dupes à Sofia, à Belgrade, à Prague, à SaintPétersbourg et même à Paris où, après qu’il eut provoqué l’admiration du Collège de France, il en parut une traduction chez le respectable éditeur Ernest Leroux 1 . Dès 1787, la France eut en la personne d’un de ses poètes un mystificateur qui ne le cède en rien à Macpherson. Chose curieuse, ce fut le plus brillant représentant de la poésie érotique au xviii® siècle qui composa le premier recueil français du folklore fantaisiste. Evariste Parny, né, comme on le sait, à file Bourbon, publia en 1787 ses Chansons madégassès, prétendue traduction de poésies populaires des Malgaches. Plus d’un lecteur se laissa mystifier par ces Chanscms , et en particulier Herder qui, après les avoir traduites en allemand, en inséra quelques-unes dans ses Volkslieder. Ce n’est qu’en 1844 que Sainte-Beuve dévoila la supercherie qui accompagnait ce « choix agréable- ». Seize ans après le livre de Parny parurent deux nouvelles collections de pastiches : les cliarrnantes Poésies de Clotilde de Surville, publiées par Ch. Vanderbourg, et les Poésies occita?ùques de Fabre d’Olivet (1803), livre moins connu que le précédent, mais également intéressant. Fabre d’Olivet prétendait avoir traduit son ouvrage du provençal et du languedocien ; en réalité les poèmes étaient, en grande partie, de sa propre composition. « En insérant dans ses notes des fragments prétendus originaux, Fabre avait eu l’artifice d’y entremêler quel-

1 Louis Loger, Nouvelles études slaves, Paris, 1880. 2 Portraits contemporains, éd. 1870, t. IV, p. 448.