"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

PROSPER MÉRIMÉE AVANT « LA GUZLA ».

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générale d’effroi et d’horreur dans le genre de Lewis la pièce intitulée Une Femme est un Diable n est en réalité autre chose que le terrifiant Moine resserré entrois scènes 1 qui fait penser au réalisme licencieux de lord Byron dans Don Juan, à son humour cynique et blasphématoire. Par sa première qualité, le Théâtre de Clara Gazul se rattache directement à l’école que Robert Soulhey a qualifiée de « satanique », école dont on constate l’influence non seulement dans les Orientales de Victor Hugo, mais encore dans la Chute d’un ange de Lamartine, et dont le plus parfait spécimen nous a été donné par le plus farouche des romantiques, Pétrus Borel, l’auteur de Dma, la belle Juive. Par la seconde, le Théâtre appartient plutôt au byronisme stendhalien, au fond duquel se trouve quelque chose de très xvni e siècle et surtout de voltairien : l'anticléricalisme, la puissance épistolaire, voire même le rictus amer plus ou moins affecté d’un « sourire hideux ». Dans ce livre de pure littérature, une chose annonce pourtant le futur écrivain. C’est le contraste remarquable entre la brutalité du fond— voulue ou non, peu importe et l’impassibilité de la forme; le style froid et sobre au milieu de scènes brûlantes et passionnées ; un ton très décidé, où rien ne trahit l’hésitation, le tâtonnement ; enfin, la mise en pratique de ce principe de Stendhal: Faisons tous nos efforts pour être secs; principe que l’auteur de Colomba pouvait inscrire en tête de son œuvre entière. (Edmond Biré.) Reste la question de la fameuse « couleur locale » de ces pièces soi-disant espagnoles. Comme la compétence nécessaire nous manque pour en juger, nous ne sau-

1 F. Baldensperger, Le « Moine » de Lewis dans la littérature française (Journal of Comparative Literature, juillet-septembre 1903);