"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

PROSPER MÉRIMÉE AVANT « LA GUZLA ».

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c’est tout. « Mérimée ne prenait pas au sérieux Stendhal comme écrivain. Comment demander, par exemple. des leçons de style à un homme qui se raturait et se recopiait, non point pour corriger ses fautes, mais pour en ajouter de nouvelles 1 ? » C’est l’opinion d'un mériméiste, mais les stendhaliens veulent que cette influence ait été plus considérable. M. Édouard Rod croit que ce fut, peut-être, à l’école de Beyle que l’auteur de Carmen « apprit à rechercher cette précision qui va souvent jusqu’à la sécheresse, et qui marque d’un cachet si personnel ses nouvelles Les plus réussies 2 ». M. Arthur Chuquet trouve également les traits particuliers de Stendhal reproduits chez son plus jeune ami. « Comme Beyle, dit-il, Mérimée regrette l’effacement des caractères : il représente volontiers les âmes énergiques, sauvages, un peu primitives, et il affectionne les personnages que de fortes passions entraînent au crime. Comme Beyle, il ne voulait pas être dupe, ni laisser percer l’émotion. Comme Beyle, il a quelque chose d’ironique et de narquois : Beyle et Mérimée, écrivait Balzac, c’est le feu dans le caillou. Toutefois, ajoute l’éminent critique, si Mérimée a connu Stendhal de bonne heure, de bonne heure Mérimée était un maître et Beyle enviait son style sobre et ferme 3 . » Il nous paraît, pourtant, que Mérimée doit à Beyle encore quelque chose, dont ne parlent pas les estimables critiques dont nous venons d’exposer les jugements. Nous pensons à son goût de la mystification. On sait que l’auteur de la Chartreuse de Parme en était tourmenté, et il suffît de lire sa volumineuse Cor-

1 Mérimée et ses amis, Paris, 1909, pp. 19-26, 98-100. 2 É. Rod, Stendhal, Paris, 1892, pp. 133-134. 3 Arthur Chuquet, Stendhal-Beyle, Paris, 1902, p. 475. 14