"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE 111.

Joseph Lingay était le professeur de rhétorique du futur auteur de Colomba^. Nous avons mentionné déjà quel curieux portrait Stendhal fait à cette occasion, de « ce pauvre jeune homme en redingote grise et si laid avec son nez retroussé ». Nous avons noté également l’influence de la brochure Racine et Shakespeare dans les saynètes pseudo-espagnoles que ce « pauvre jeune homme » composa en 1825. Ajoutons qu’une très vive amitié lia bientôt les deux écrivains, au point qu’il est aujourd’hui impossible de la passer sous silence, que l’on parle de l’un ou de l’autre, de Mérimée surtout. Mérimée fut le premier à reconnaître combien Beyle avait contribué à former son caractère. « Je passe tout mon temps à lire la correspondance de Beyle, écrivaitil à M llß Dacquin en 1852. Cela me rajeunit de vingt ans au moins. C’est comme si je faisais l’autopsie des pensées d’un homme que j’ai intimement connu et dont les idées des choses et des hommes ont singulièrement déteint sur les miennes 2. » M. Filon, avec son habituelle finesse d’analyse, étudie cet aveu de Mérimée. Il le trouve d’une sincérité par trop exagérée. Sans aucun doute, dit-il, ce fut Beyle qui apprit à Mérimée à aimer la musique italienne, à comprendre Shakespeare, à ne goûter que les anecdotes dans l’histoire et à préférer celles qui lui paraissent les plus significatives et les plus suggestives; ce fut lui aussi qui lui inculqua ses idées sur le patriotisme. Mais

1 Casimir Stryienski, Soirées du Stendhal-Club, Paris, 1904, p. 227. s Lettres à une Inconnue, l’ p juin 1852. Deux ans auparavant, Mérimée disait tout au contraire, dans sa brochure : H. B. « Sauf quelques préférences et quelques, aversions littéraires, nous n’avions peut-être pas une idée en commun, et il y avait peu de sujets sur lesquels nous fussions d’accord. »