"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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coupa la tête et l’on brûla le tout. Après cela, on fit subir la même opération aux cadavres des quatre autres personnes mortes de vampirisme, de crainte qu’elles n’en fissent mourir d’autres à leur tour. Au bout de cinq ans, c’est-à-dire en 1732, éclata à Medvédia la terrible épidémie qui fit venir la commission impériale de Belgrade. De nouveaux cas de vampirisme furent constatés, mais on n’en savait pas la cause. On découvrit enfin, après avoir bien cherché, que le défunt Arnaout Pavlé avait tué non seulement les quatre personnes dont nous avons parlée mais aussi plusieurs bêtes dont les nouveaux vampires s’étaient repus. On résolut alors de déterrer tous ceux qui étaient morts depuis un certain temps, et parmi une quarantaine de cadavres, on en trouva dix-sept avec tous les signes les plus évidents de vampirisme : aussi leur transperçat-on le cœur ; on leur coupa la tète et on les brûla, puis on jeta leurs cendres dans la rivière Morava. Un procès-verbal fut dressé par la commission impériale, signé par les officiers autrichiens et les chirurgiensmajors des régiments. 11 fut expédié au conseil de guerre à Vienne, qui établit une commission spéciale pour examiner la vérité de tous ces faits. L’Empereur Charles. VI s’intéressa vivement à cette histoire, qui eut tôt fait de se répandre à travers l’Europe entière. L’année suivante (1733), rapporte un écrivain du temps, « à la foire de Leipzig, on ne voyait aux magasins.de livres que des brochures sur les buveurs de sang 1 ». Une ville allemande déclara la guerre aux vampires et demanda secours aux Universités et aux sociétés savantes 2 . La chose suscita de l’intérêt même

1 M. Ranft, Tractai von dem Kauen und Schmatzen der Todlen in den Gr&bern, Leipzig, 1734, p. 179. 2 Stefan Hock, op. oit., p. 40,