"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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voyage 1 , Nodier partit de Paris, en pauvre émigré, àla fin de novembre, emmenant avec lui sa jeune femme malade 2 et son enfant de dix-huit mois qu’il faillit perdre dans une tourmente de neige au Mont-Genis ; cette enfant devait être plus lard la « Notre-Dame de F Arsenal » à laquelle Alfred de Musset adressera de si jolis vers. Nodier arriva à Laybach vers la fin de décembre 1812 3 . « J’ai vu enfin l’lllyrie, écrivait-il alors à son ami Charles Weiss, bibliothécaire à Besançon, et à travers des neiges de deux pieds j’ai gagné les rigoureux sommets de la Carniole. A peine avais-je cessé de rencontrer l’heureux habitant de l’Adriatique légèrement vêtu d’un frac de toile lilas, et la tête couverte de son grand chapeau où flottent des rubans de toutes couleurs, que j’ai aperçu l’lstrien frileux qui grelotte sous sa mante de poils de chèvre et son bonnet de laine à trois pièces 4 . » Ce n’est parmi ces paysans exotiques qu’il vécut dans ce nouveau pays. Il habita Laybach et se trouva « au milieu d’une cour qui éclipsait celle de plus d’un roi d’Europe ». En décrivant à son ami Weiss un dîner chez le comte de Chabrol, qui remplaçait le gouverneur, il disait qu’il y avait été le seul sans dentelles, sans diamants, sans épée, et qu’il « s’aperçut alors qu'il était encore à Paris 5 ».

1 Correspondance inédite (lettres à Charles Weiss). - Il avait épousé M' 1 ’ Désirée Charves, fille du juge Claude Charves, le 30 avril 1808. 3 On le voit bien dans la Correspondance inédite. Pourtant, M. Pisani, op. cil., p. vnr, prétend que Nodier « passa à Laybach l’année 1812 et le commencement de 1813 ». Nous reviendrons sur ce point. 4 Correspondance inédite, p. 141. 5 Ibid.