La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

324 LA REPRÉSENTATION DES ARISTOCRATIES

notre disposilion, nous ne pouvions y suppléer qu’en augmentant les attributions du corps conservatif. Voilà pourquoi Sieyès proposait de confier tant de pouvoir au Sénat. La sanction des lois, la nomination des sénateurs et des consuls, et le dcoit suprême d’absorber les consuls devaient former l’attribution permanente de la Chambre inamovible ; l’élection des députés et des hauts fonctionnaires était son attribution provisoire. Tant d’autorilé n’était pas plus qu’il ne fallait pour que ce patriciat viager de la république pût résister au pouvoir exécutif toujours envahisseur et à la Chambre démocratique encore fort inquiète. Néanmoins cette magistrature patricienne sortait aussi de l'élection populaire, source unique des pouvoirs légitimes, puisque ses membres, comme les consuls, étaient pris exclusivement dans la liste des six mille notables des départements, où tout Français pouvait parvenir par la seule confiance de ses concitoyens. Les sénateurs étaient aussi déclarées inéligibles à toute autre fonction publique, afin de n’avoir aucun avantage personnel à attendre du gouvernement.

… Une partie de ces idées fut conservée dans la constitution de l’an VIIT; mais qu'est-ce qu'un système morcelé de toutes parts ? Il suffit d’un seul arlicle, omis ou ajouté, pour tout dénaturer. Le Sénat conservateur privé du droit d'absorption n’était plus bon qu’à se conserver lui-même. — Que dire des sénateurs appelés contre le principe fondamental de leur institution, à tous les hauts emplois du gouvernement... ?

Il est très vraisemblable que notre réforme n’eût pas réussi, précisément à cause de ce qu’elle avait de meilleur, la suprématie sénatoriale. Un corps revêtu de tant de puissance répugnait trop à l’opinion dominante, à cette horreur vague et exagérée de l'aristocratie, préjugé misérable et qui s’opposait, comme il s'oppose encore, à l'amélioration de nos institutions politiques. On n'osait alors, encore moins qu'aujourd'hui,