La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

92 LA REPRÉSENTATION DES ARISTOCRATIES

serait pas seulement dans une Chambre aristocratique; la Chambre des communes s’ouvrant en réalité à trois ordres (dont la moyenne et la petite noblesse et le bas clergé) serait remplie de gens qui auraient un intérêt contraire à celui du tiers. La Chambre des Lords est la dernière forteresse de l'aristocratie, proclame une brochure, accusation que ne saurait atténuer celte autre observation : c’est une ruine illustre. Et le rationaliste Sieyès découvre un argument plus puissant encore pour en détourner tout esprit philosophique : elle est une œuvre de hasard et de circonstances; au lieu d’un modèle ancien il convient, puisqu'on connaît le type idéal du beau et du bon, de réaliser ce type en dehors de toute contingence. Sieyès, d’ailleurs, n’a pas manqué d'avertir du danger de naturaliser cette constitution, et le gouverneur Morris conclut excellemment : « Ils veulent une Constitution américaine, sans réfléchir qu'ils n’ont pas de citoyens américains pour porter cette Constitution » (1).

Proposé d’abord en manière de simple conseil (2), ce principe se trouve bientôt dogmatisé. Rabaut Saint-

(1) Voir pour tous ces arguments, Annexes, IT.

(2) «… Si vous craignez sérieusement cet inconvénient (du vote par tête et sans distinction d'ordre), le remède est facile : partagez d’abord la Nation en deux Chambres indépendantes l’une de l’autre, qui aient une égale prépondérance. »

Modestes observations sur le Mémoire des Princes, faites au nom de 23 millions de citoyens français, 1788.