La Serbie

Un nouveau message de M. Wilson

M. Wilson «& [u au Congrès un message important dont nous publions ici les passages essentiels. Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur ce discours important,

Pourquoi l'Amérique est entrée dans la guerre

Nous sommes entrés dans cette guerre parce que les violations de droit nous touChaient au vif et rendaient la vie de notre peuple impossible, à moins qu'elles ne fussent réparées et que le monde ne fût, une fois pour toutes, assuré contre leur retour.

Ce que nous demandons dans cette guerre, par suite, ce n’est rien de particulier pour nous-mêmes ; c'est que le monde soit rendu sûr et qu'il soit possible d'y vivre.

Le programme de la paix mondiale est, en conséquence, notre programme. Ce programme, le seul possible, est celui-ci :

1. Des conventions de paix publiques, ouvertement conclues, après lesquelles il n'y aura pas d'accords internationaux privés d'aucune sorte, mais une diplomatie qui agira toujours franchement et à la vue de tous.

2. Liberté absolue de navigation sur les mers, en dehors des eaux territoriales, aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre, sauf pour les mers qui pourraient être fermées en totalité ou en partie par une action internationale, en vue de l’exécution d'accords internationaux.

3. Suppression, en tant qu'il sera possible, de toutes les barrières économiques, établissement de conditions commerciales égales entre toutes les nations consentant à la paix et s’associant pour la maintenir.

4. Garanties convenables, données et prises, que les armements nationaux seront réduits aû dernier point compatible avec la sécurité du pays.

5. Libre arrangement, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les revendications coloniales, basé sur l’observation et sur le strict principe qu’en fixant toutes les questions de souveraineté, les intérêts des populations intéressées devront avoir un point égal à celui des demandes équitables du gouvernement dont le titre doit être déterminé.

Pour la Russie

6. Evacuation de tous les territoires russes et règlement de toutes les questions concernant la Russie qui assurera la meilleure et la plus libre coopération des autres nations pour donner à la Russie l’occasion de déterminer, sans être entravée ni embarrassée, l'indépendance de son propre développement politique et de sa politique nationale, pour lui assurer un sincère accueil dans la société des nations libres, sous des institutions de son propre choix, et, plus qu'un accueil, toute aide dont elle aurait besoin et qu'elle désirerait. Le traitement accordé à la Russie par ses nations sœurs dans les mois à venir sera la pierre de touche de leur bonne volonté et de leur compréhension de ses besoins, abstraction faite de leurs propres intérêts et de leur sympathie désintéressée.

La Belgique devra être restaurée

7. Le monde entier sera d'accord qu’elle doit être évacuée et restaurée sans aucune tentative de limiter la souveraineté dont elle jouit, de concert avec les autres nations libres. Aucun autre acte ne servira, autant que celui-ci, à rétablir la confiance parmi les nations, dans les lois qu'elles ont établies et fixées elles-mêmes pour régir leurs relations entre elles. Sans cet acte salutaire, toute structure et validité de toutes les lois internationales seront à jamais affaiblies. Et l'Alsace-Lorraine revenir à la France

8. Tout territoire français devra être libre, et les régions envahies devront être restaurées. Le tort fait à la France par la . Prusse en 1871 en ce qui concerne l'Alsace-Lorraine, qui a troublé la paix du monde pendant près de cinquante ans, devra être réparé, afin que la paix puisse, une fois de plus, être assurée dans l'intérêt de tous.

9. Le rétablissement de la frontière italienne devra être effectué suivant les lignes des nationalités clairement reconnaissables.

Autriche-Hongrle, Balkans et Turquie

10. Aux peuples d’Autriche-Hongrie, dont nous désirons voir la place sauvegardée et assurée parmi les nations, on devra donner plus largement l’occasion d’un développement autonome.

11. La Roumanie, la Serbie et le Monténégro devront être évacués et les territoi-

res occupés devront être restitués. A la Serbie, on devra accorder libre et sûr accès à la mer, et des relations entre les divers Etats balkaniques devront être fixées amicalement, sur les conseils des puissances‘et d'après les lignes des nationalités établies historiquement. On fournira à ces Etats balkaniques des garanties d’indépendance politique, économique et d’intégrité de leurs territoires. fé

12. Une souveraineté sûre sera assurée aux parties turques de l'empire ottoman actuel, mais les autres nationalités qui se trouvent en ce moment sous la domination turque devront être assurées d’une sécurité indubitable de leur existence, et une occasion exempte d'obstacles leur sera fournie de se développer de façon autonome. Les Dardanelles devront être ouvertes de façon permanente, en constituant un passage libre pour les navires et le commerce de toutes les nations, suivant des garanties internationales.

Un Etat polonais indépendant et une Société des Nations

13. Un Etat polonais indépendant devra être établi. Il devra comprendre les territoires habités par les populations incontestablement polonaises auxquelles on devra assurer libre accès à la mer, et dont l’indépendance politique et économique, ainsi que l'intégrité territoriale, devront être garanties par un accord international.

14. Une association générale des nations devra être formée d’après des conventions spéciales, dans le but de fournir des garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégrité territoriale aux grands comme aux petits Etats.

Au sujet de ces réparations essentielles du tort causé et des revendications de justice, nous nous sentons pleinement liés à tous les gouvernements et à tous les peuples associés pour combattre l'impérialisme. Nous ne saurions être séparés dans des questions d'intérêts ni divisés quant au but à atteindre; nous resterons étroitement unis jusqu'à la fin.

La Russie soviétique

Odessa, octobre 1917.

Selon toute apparence l'ex-impératrice Alexandre Féodorovna n'était pas une femme normale: elle souffrait d'une religiosité morbide qu'elle avait communiquée à son mari, l’ex-tsar Nicolas. Ce sont ces sentiments provenant d’une religiosité mystique qui firent. du tsar un jouet entre les mains de certaines forces souterraines de la cour impériale. Le pilier de cette mystérieuse clique qui gouvernait le tsar était le moine sibérien Grégoire Raspoutine, mystique religieux et homme débauché. Le sort de la Russie se trouvait entièrement au pouvoir de ce paysan inculte : aucune décision n’était prise sans son assentiment et sa « bénédiction », il décida même de la guerre et de la paix. Si, en 1914, il n'avait pas accordé au tsar la « bénédiction » que celui-ci lui demandait avant la déclaration de la guerre, il est certain que ‘a Russie aurait cédé sous la menace allemande.

Il est curieux de savoir que le mérite revient à un Serbe, Yovan Roganovitch, professeur de théologie, de ce que Raspoutine ait consentit à donner au tsar la « bénédiction » que celui-ci lui demandait par télégramme, Le Saint Synode avait envoyé Roganovitch comme délégué de sa part, auprès de Raspoutine blessé, Roganovitch se trouvait au chevet de Raspoutine au moment où arriva le télégramme du tsar. Grâce à une forte pression de Roganovitch Raspoutine céda et la « bénédiction » fut donnée au tsar, partant à la guerre.

Cependant Raspoutine croyait avoir été induit en erreur et, au mois de décembre 1916, il songea à réparer sa faute en arrêtant d'un mot l’effusion du sang. Le tsar résistait, mais Raspoutine était inexorable et la tsarine bien davantage. Mais, à ce moment le patriotisme russe entreprit l’œuvre de purification : le premier pas fut l’assassinat de Raspoutine, puis il fallait songer à épurer le trône du mysticisme morbide et destructif de la tsarine. Le petit tsarevitch Alexis devait monter sur le trône, avec pour régent son oncle le grand-duc Michel. On en parlait partout publiquement comme d’un fait accompli. La police se voyait impuissante comme si elle avait pressenti la révolution et était convaincue de l'inutilité de son action. La Révolution partait d’en haut : les grands ducs, les généraux, les membres de la Douma et même la presse des conservateurs la préparèrent. L'abcès fut percé le 27 février par les «émeutes des affamés ». Les patriotes des plus hautes sphères s’associèrent aux organisations secrètes des socialistes et, tous ensemble, IIS abattirent sans fracas le fameux monstre de l’autocratie,

Les journées du mois de mars donnèrent le spectacle d’une rare fraternité humaine. Chaque Russe, depuis le paysan jusqu'au grand-duc semblait vrai-

à

LA SERBIE

ment un Tolstoï ou un Dostoïévski. Le ministère Lvow détruisait à coups de plume les étages de l'édifice de l’ancien régime, anéantissait les anciens préjugés et préparait le terrain pour une organisa tion idéale, d’une communauté étatique de la Russie hétérogène.

Mais la politique romantique du premier gouvernement révolutionnaire fut brisée, en avril déjà, par le mysticisme des fabriques. Comme dans toutes les fabriques d'Etat, surtout dans celle de guerre, les Allemands s'étaient installés en maîtres, ils mirent leur sens pratique et leur esprit organisateur au service du mysticisme socialiste des ouvriers illettrés russes. À peine un mois s'était-il écoulé qu’on vit s'organiser des soviets (conseils) des ouvriers dans tous les centres industriels, et ces soviets sont aujourd’hui les maîtres de la République russe.

Ces soviets ne sont pas des partis politiques, ce sont des associations de mécontents de toutes les classes sociales, de toutes les nationalités. On trouve dans ce pot-pourri des internationalistes à côté de nationalistes acharnés, des richards à côté d'ouvriers pauvres, des agents provocateurs alle. mands à côté de patriotes russes, des Juifs à côté d'anciens gendarmes russes, un exilé de Sibérie à côté d’un agent de la police secrète, etc.

Tandis que le premier gouvernement s'occupait des travaux de la Révolution, les soviets, eux, s’appliquaient à saper les bases de l'Etat. Chacun de ces soviets se proclamait l'unique source de tout pouvoir et travaillait à sa manière à démolir la défense nationale de la Russie en démoralisant l’armée. À cet effet, ont été constitués les « Soviets des ouvriers et des soldats » et cette institution fut le canal par où l'esprit désorganisateur s’introduisit dans l'armée russe. La lutte contre la guerre fut organisée dans les fabriques et dans l’armée et cette lutte fut le principe suprême des soviets ouvrierssoldatesques. Chaque soviétnik (membre du Soviet), exposaïit en longs discours les motifs personnels qui l'avaient déterminé à la lutte contre la guerre. Maxime Gorki était contre la guerre car, à n’en pas douter, il pensait contribuer ainsi à une idée humanitaire. Quant à Lénine c’est une énigme même pour ses plus intimes amis. Les uns le considèrent comme un homme vendu, d’autres le croient idéaliste, cependant un fort grand nombre pensent qu’il veut se jouer des hommes et qu'il ne connaît pas d’autre Dieu que son « moi ». Le romantisme internationaliste des socialistes russes s’est associé avec le zimmerwaldisme publiquement stipendié par les Allemands. Si certains noms connus s'appuient sur la politique allemande, les sovietniks pour la plupart ont cependant bien d’autres motifs de lutter contre la guerre. Les Sionistes, entre autres, sont contre la guerre parce que ce n’est pas la Russie qu'ils considèrent comme leur patrie, mais la Palestine. Un soviétnik polonais est contre la guerre parce que tout le monde aujourd’hui veut une Pologne indépendante. Un soviétnik ukranien veut une Ukraine libre et la victoire des « Moscovites » ne lui est pas nécessaire. Un soviétnik ouvrier ne veut pas la guerre de peur que la bourgeoisie ne se renforce et parce qu’il veut provoquer des désordres pour trouver l'or que les bourgeois ont caché. Un soviétnik soldat conseille à ses camarades sur le front de briser en deux leurs épées et d'en faire des socs de charrues pour travailler la terre qu’ils auront arrachée aux grands propriétaires. Cependant chacun de ces lâches soviétnik ne veut en fait, sous le masque des principes, que conserver sa vie misérable.

Les sovietniks sont non seulement exemptés du service au front, mais au surplus ils reçoivent un beau traitement. À côté du salaire qu'ils obtiennent sans travailler, chaque sovietnik reçoit en outre 10 roubles par jour. Parmi les soviétniks ne se trouve aucun nom d'autorité. Plekhanow, homme honnête et idéaliste, ne figure pas sur la liste des sovietniks, la « grand maman » de la Révolution, Brechko Brechkovskaïa, pas davantage que le prince Kropotkine, Tout ce qui appartient à l'élite intellectuelle n'a pas de valeur pour la foule de s0viets. Quiconque veut défendre la Russie est traité d’impérialiste, de réactionnaire, d'homme'vendu.

En face de cette Russie « camaradienne » nous avons la Russie de Kornilow, désorganisée, suppliciée et humiliée. Elle se trouve au bord de l’abîme où la poussent les soviets. Elle résiste passivement soit qu’elle croie Lénine faible soit qu'elle n'ait pas encore choisi son chemin pour une résistance active. Peut-être hésite-elle à prendre résolument un chemin déterminé parce qu’elle n’en est pas sûre. Personne ne peut savoir ce que deviendra la vraie Russie, celle de Kornilow.

M:P>°C,

Les Serbes « magyars »

Le « Budapesti Hirlap » du 27 décembre reçoit de Velika Kikinda le compte rendu d'un discours prononcé par le grand joupan de Torontal, Georg Stener (Souabe magyarisé de la Baëka). Le grand joupan a dit, entre autres :

« Je reconnaîtrai les intérêts légitimes des Serbes, et naturellement je lés secourrai eux aussi autant que les lois et les intérêts de l'Etat magyar le permettent. Cependant, comme représentant de l’autorité d'Etat et comme administrateur bienveillant du peuple serbe, je ferai attention à ce que personne ne vienne déranger la vie paisible du peuple serbe et le pousser dans un mouvement qui puisse

“1 Samedi 12 Janvier 1918 = N°9 | | porter atteinte aux intérêts de l'Etat magyar et ren. dre suspecte la fidélité des Serbes envers la Patrie magyare. Comme chef de ce comitat, je ferai tout mon possible pour qu'il n’y ait plus chez nous de Serbes modérés ou radicaux, mais seulement des Serbes magyars. L'Etat millénaire Magyar | doit demander que chaque citoyen de langue étrangère fusionne avec les Magyars dans le patriotisme et dans l’activité pour le progrès de l'Etat Magyar. y

otodel. Lai deisatlé

Les intrigues bulgares et le « Times,

Nous avons parlé dans notre numéro 43 d’une correspondance publiée par le «Ti. mes » sur le prétendu mécontentement qy peuple bulgare au sujet de la politique su vie par le roi Ferdinand et M. Radoslavoff, | Or nous trouvons dans le journal bulgare les « Narodni Prava » des 6 et 7 novembre. le compte rendu d’une séance au parlement bulgare dans laquelle l’article du « Times ». a été l’objet d’une vive discussion. En voici le résumé :

Le ministe-président.— «Permettez-moi de vous lire une lettre de Sofia qui a paru. dans le « Times » du 15 octobre (il lit :)

« La situation actuelle en Bulgarie mérite une certaine attention. L’extrêms impopularité du cabinet Radoslavof qui est au pouvoir depuis quatre ans, paraît être arrivée à un moment critique. [| ne faut pas oublier « que ce gouvernement ne fut pas autre chose qu'une clique de la Cour...»

K. Pastonhoff. — « C'est. parfaitement exact!» (Protestations à droite).

K. Panaïotoff. — « C'est vous-même qui l’avez écrite! »

K. Loultcheff. — « Non, c’est l’officielle « Agence Télégraphique » !

Le ministre-président continue à lire:

« ….Formée d'hommes politiques particulièrement compromis qui sont maintenus au pouvoir par le roi. Après deux années de guerre le gouvernement ne possède qu’une ombre de respect et d'autorité.» 1

« G.Vassilieff. — Lisez la lettre entièrel» .

Le ministre-président. — « Les observateurs compétents et placés pour le savoir...»

G. Vassilieff. — « Eh! Vous ne lisez pas tout!»

K. Dosseff. — « Donc vous connaissez le contenu ! »

G. Vassilieff. — « C’est votre ami Bonschier qui l’a écrite. C’est vous qui êtes intervenu pour qu'il restât ici Que voulezvous de plus? »

Le ministre-président, — « Les observa- \

teurs habiles ont conclu que cette assemblée d'opposition a eu lieu selon les désirs du roi lequel, de peur d'être mêlé à la chute probable du cabinet Radoslavoff, espérait ainsi-assurer sa propre situation en faisant constituer, avant qu'il fât trop tard, un ministère plus populaire et plus ou moins bien disposé envers l'Entente. »

Des voix à droite: « Ah! ah!»

Le ministre-président. — « Eh bien, est: ce que tout cela ne correspond pas au véritable état de choses que nous voyions ici? Cela ressemble tellement à l'atmosphère qui règne au Sobranié qu'il ne peut y avoir aucun doute: cette lettre a sa source parmi nous ! »

Voix à droite: « Parfaitement! » (Appl.)

Dr. N. Savaroff. — « Il y a présomption que cette lettre est due à quelqu'un appartenant au Ministère de la guerre! ».

Nous laissons à nos lecteurs le soin de juger eux-mêmes de ce jeu bulgare auquel malheureusement, des alliés crédules se laissent encore prendre aujourd’hui.

LA POLITIQUE EN AUTRICHE-HONGRIE

Les martyrs serbes en Bosnie

L’ « As Est » du 23 décembre publie une correspondance de Sarajevo contenant les déclarations faites au correspondant de ce journal par le gouverneur de Bosnie, Sarkotié. À la question posée par le correspondant sur la conduite des Serbes de Bosnie, le gouverneur a répondu textuellement :

« Je ne peux pas m'en plaindre; les Serbes se tiennent pour le moment dans une réserve extraordinaire et j'espère qu'avec le temps ils verront que leur bien-être ne peut leur être assuré que dans le cadre de la Monarchie (?) Cependant cette réserve des Serbes est toujours très significative. J'aurais mieux aimé par exemple qu'ils s déclarent une fois ouvertement dans le sens de mes tendances. »

Pauvres Serbes! Leur réserve même ne plaît pas aux gouvernants de la Monarchie.

Les arrestations, les potences, la terreur, la faim, rien ne peut obliger les Serbes de Bosnie-Herzégovine à «se déclarer une fois Ouvertement dans le sens des tendances ” du gouverneur Sarkotié. Ils demeurent tout de même fidèles à leur idéal national qui est de se voir délivrés du joug honteux des Allemands et des Magyars.

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