La Serbie
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Ilme Année, — No 10
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Paraissant tous les Samedis
La Serbie à la veille des batailles
La série des discours vient d'être close | courons le risque d’être livrés aux Alle. et l'humanité ensanglantée se prépare à un | mauds et Magyars, en vertu d'une concep-
nouveau choc des forces matérielles, le dernier, dit-on, et le plus formidable de tous. Si les indices ne trompent pas c'est l'Allemagne qui est décidée à prendre les devants, et à tenter encore une fois d'achever par le fer et le feu l'œuvre commencée en 1914, et conçue primitivement comme une entreprise purement militaire. Après l'échec du plan primitif et avec l'usure progressive de ses forces, l'Allemagne a dû changer de stratégie. En eflet, pendant toute l’année 1917, elle se montrait « pacifiste » et ses dirigeants prétendaient plutôt à une victoire diplomatique, en accord avec les premiers résultats de la guerre. Cette stratégie diplomatique a échoué, elle aussi, et l'Aliemagne ainsi se voit obligée de recourir aux armes, ces moyens naturels de sa politique d'agression. Elle ne le fait qu’à contrecœur, car malgré l'élimination de la Russie, les chances d’une victoire décisive allemande sur le front occidental ne sont pas plus grandes qu’elles ne l’étaient dans les années précédentes, ce qui indique d’une façon à peu prês sûre quelle sera l'issue des batailles à venir. Maïs cette confiance que les Serbes partagent entièrement avec leurs alliés ne saurait et ne devrait pas nous empêcher d'examiner en toute conscience si les nouveaux sacrifices sont vraiment nécessaires, et s'il n’y aurait pas moyen d’épargner au monde de nouvelles épreuves, plas terribles et plus funestes peut-être. Voici quel est le point de vue serbe :
La Serbie se trouve, parmi tous les belligérants, dans une situation exceptionnellement grave. L'armée serbe à Salonique, après avoir donné des preuves d'un héroïisme légendaire, se voit forcée, par un sort injuste, de verser sa dernière goutte de sang sur l’autel de la Patrie. Le pays est entièrement occupé, violé, ravagé et exposé aux spoliations systématiques, aux mauvais traitements de tous genres, depuis les plus grossiers jusqu'aux plus raffinés, Ce que les Bulgares, par exemple, se permettent de faire en Serbie occupée, dépasse toute imagination. Après avoir recruté le peu de Serbes valides restés dans le pays, sous prétexte qu’il s'agissait de Bulgares et non pas de Serbes, aujourd’hui, aprés deux ans d'occupation, ils s’attaquent aux femmes et aux vieillards, à ceux qui ne sont pas encore déportés, et veulent les forcer à se dire Bulgares ! :
À tous les cris de désespoir, aucun encouragement, aucun secours, aucune tentative de mettre fin à ces procédés infâmes qui sont une honte pour tout le monde appelé civilisé et qui reste impassible devant de telles cruautés. D'autre part la famine sévit impitoyablement parmi la population épuisée et exaspérée. Toute une année on discute s’il faut envoyer des vivres en Serbie on non et les initiatives généreuses des Suisses se brisent contre les résistances des bureaucrates à Londres et à Paris. Que dire enfin de nos frères serbes, croates et slovènes en Autriche- Hongrie, qui n’aspirent qu'à l'union avec la Serbie et pour lesquels, confiants dans le programme politique des Alliés, la Serbie a sacrifié plus d’un quart de sa population ? La question yougoslave n’est pas cependant encore comprise par nos alliés et nous
tion tout à fait fausse de l'Autriche-Hongrie. Dans de telles circonstances tout autre peuple pourrait fléchir, mais les Serbes n’y songent pas. Ils luttent pour la liberté et l'indépendance, et ils ne consentiront jamais à l'esclavage germanique. Les fautes et les erreurs alliées, si grandes qu’elles soient, n’affectent en rien la décision inébranlable et irréductible des Serbes de tenir jusqu’au bout. Nous le disons à haute voix à ce moment même où l’on discute à Corfou sur la constitution du nouveau cabinet serbe. La politique serbe reste la même parce que le danger germano-magyaro-bulgare est toujours le même, aujourd'hui plus grand encore que hier, surtout après la paix imposée à la Roumanie. Les soldats et les civils serbes sont animés d’une confiance robuste dans la justice de leur cause. Ils vivent dans l'espoir que Justice sera faite à tous, et que la guerre ne pourra pas finir sans que le Droit violé de tous les peuples martyrs soit de nouveau restauré et sanctifié. À ceux qui nous parlent de la Macédoine et de l'attribution éventuelle des territoires serbes à la Bulgarie, nous répondons que la Serbie ne lutte pas pour les terres mais pour un idéal beaucoup plus élevé. Avant de penser à gratifier la Bulgarie d’une partie des territoires serbes quelle monstruosité ! — nous exigeons que le crime consommé des Bulgares soit puni. C'est donc la justice que nous demandons à nos Alliés. Le premier devoir de ce haut tribunal des peuples, dont M. Wilson parlait récemment, sera de faire cette justice. La Belgique l'attend, la Serbie l'attend également, et c’est cette foi qui tient debout les débris du peuple serbe. Justice pour l'agression austro-magyare, justice pour le crime bulgare — et surtout pour ce crime. Au lieu de distribuer des terres et de délimiter les frontières, les Alliés doivent penser au redressement du Droit et de la Justice. C'est le grand but digne des sacrifices nouveaux, et c'est à ce but que les Serbes sont prêts à tout subordonner. L. M.
L'ennemi et l'accord italoyougoslave Le revirement opéré dans les relations générales entre les Italiens et les Yougoslaves porte déjà ses fruits. Le fait seul que, du côté italien aussi bien que du côté yougoslave, on a abandenné l'attitude passive et que l'on s'est mis à causer, semble avoir désespéré les Austro-Allemands. La nouvelle que les Italiens et les Yougoslaves sont en voie de s'entendre, a produit en effet à Vienne une impression des plus pénibles. On peut en Juger par l'article de fond de la «Neue Freie Presse» du 23 février, comsacré au traité de Londres et aux rapports italoslaves. Dans cet article, le journal le plus perfide de la monarchie s'efforce de prouver que les jtaliens seraient des ennemis mortels des Yougoslaves, et que l'Italie, par le traité de Londres, aurait, non seulement mutilé l'Etat yougoslave projeté, mais qu'elle lui aurait enlevé toute possibilité de vie et de développement. Mais, s'attendant probablement à l'objection que le traité de Londres n'est pas un axiome de la politique italienne et que l'atmosphère nouvelle en Italie laisse place à une revision possible de ce traité, en conformité avec les idées directrices des Alliés, le journal viennois insinue que l'Italie ne renoncera jamais à ses prétentions sur les terres yougoslaves. Nous enregistrons cet accès de colère et cette intrigue trop transparente pour
Rédacteur en chef : Dr Lazare MARCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade
LES THÉORIES
. La presse suisse el la presse alliée ont
seproduit incomplètement le dernier dis- | roles, dirait sans donlie : Mails atcr “paix west pas impossible puisque l'Ale-
ours du comle Heriling. L'agence Wolff ä supprimé en effet, pour des causes que “ous ignorons, des passages entiers très importants, ne donnant qu'un court résumé des quatre principes de la paix que le comle Hertling prétendait accepter avec le président Wilson. Or, nous trouvons dans le texte du discours tel qu'il a été publié par lesjournaux allemands, des affirmations qui démontrent parfaitement la fuiilité de ioute conversation avec l'Allemagne. M. Hertling dit d'abord, que l'Allemagne veut une paix juste et cite Le proverbe latin iustitia fundamentum regnorum. 1! dit ensuite que l'Allemagne peut accepter inconditionnellement le principe que les peuples et les provinces ne doivent pas être traités comme des choses et passer des mains d'un potentat à l'autre. Pour la solution des questions territoriales, le comte Hertling dit accepter également la thèse de M. Wilson que la volonté de la population doit décider et non pas les intérêts des Etats rivaux. Enfin, il se dit disposé à satisfaire toules les aspirations nationales clairement exprimées. « Je déclare, a conclu le chancelier,
qu'une paix générale peut être discutée sur
de telles bases. »
voir “un succès quelconque. Les rapports italoyaugoslaves n'ont rien à faire avec l'Autriche cette usurpatrice de lAdriatique, dont les légitimes possesseurs, les Yougoslaves et les Tialiens, n’aspirent qu'à rejeter au nord l'envahisseur insoent. La «Frankfurter Zeitung» du 28 mars, en cemmentant le discours de Sonnino, a essayé elle aussi, d’intriguer en rappelant que les efforts de M. Pachitch pour s'entendre avec l'Italie, sont restés infructueux grâce à l'obstination du ministre italien qui poursuit une politique impérialiste. Fait caractéristique cependant, le journal allemand est loin d'adopter le point de vue de Vienne, et il semble que la perspective d'un rapprochement solide ilalo-yougoslave l'inquiète sérieusement. Ceci est à retenir, et les enscignements qui s’en dégagent, devraient servir die lecon aux Italiens et aux Yougoslaves et stimuler leurs efforts vers une compréhension meilleure des grands intérêts en Jeu. Il faut qu'on abandonne de part et d'autre l'illusion qu'une victoire sur l'Autriche est possible avec des forces désunies. Cette conviction devrait indiquer em même temps le seul moyen d'arriver à une entente, c'est-àdire la modération mutuelle et l'appréciation objective des intérêts vitaux de chaque nation. Il est inutile de répéter ce que nous avons proclamé maintes fois dans ce journal, qu'avec de la bonne volonté il ne serait pas difficile de s'entendre. L'ennemi commun mous le prouve par ses intrigues maladroites. R.
Le mensonge en œuvre
k& propos de l'atias de M. RIZOFF
Le gouvernement de Sofia semble s’apercevoir depuis quelque temps que la cause bulgare perd les dernières sympathies qui lui restaient par ci par là et qu'aussi bien dans les pays neutres que dans les Empires Centraux, la fameuse unité nationale bulgare, telle qu'il la préconise, ne rencontre plus qu'une opposition presque ouverte. Certains journaux allemands, plus avancés, n'hésitent même pas à proclamer labsurdité des aspirations bulgares qui en fait ne reposent sur aucune base politique, historique où ethnographique.
Le gouvernement bulgare a ressenti le grave danger que court sa Cause. Aussi s’empresse-L-il, par une propagande effrénée et sans scrupules de fare imposer « la justesse » de ses revendications. Tout un bataïllon de professeurs et d'écrivains pullulent dans les pays neutres — €t même à Berlin et à Vienne — cherchant par le mensonge et liniquité à faire ‘triompher une cause impossible à défendre par le Droit et la Justice.
La dernière œuvre de Ja propagande bulgare, — que nous examinerons ailleurs dans une étude spéciale c’est un atlas
JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE
Genève, Samedi 9 Mars 1918
Suisse AT Gfr. — par an
ABONNEMENT }
Autres pays. 9fr,— » °°}
DU COMTE HERTLING
Un lecteur naïf, en lisant ces belles pa: roles, dirait sans douie : Mais alors, la
magne acceple les demandes principales des Alliés. Quelle ironie !
C’est la théorie, et en fait de théorie les Allemands sont très forts. S'il s'agit cependant de l'application concrèle et de la mise en œuvre des principes énoncés, toutes les belles théories s'envolent et la force brutale apparaît dans sa nudité germanique. Nous ne voulons pas parler de l’AlsaceLorraine, qui du moins avait appartenu pendant quelque temps à l'Allemagne et qui abrite de nombreux Allemand: immigrés, ce que l'Allemagne invoque pour justifier ses prétentions sur les deux provinces françaises Mais nous cilons le cas de la Bosnie Herzégovine. Là, il n'y a ni Allemands, ni Magyars. Ce pays a été occupé par la violence et annexé par la violence, contre la volonté formelle de la population. Et pourtant, non seul ment le comte Heriling mais aucun Allemand ou Magyar ne consentirait à lâcher cette province serbe, symbole vivant de la violence brutale pratiquée par Berlin, Vienne et Budapest, en dépit des belles théories proclamées hypocritement à la tribune du parlement même.
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contenant 40-<cartes très artistiquenent fattes, avec une préface dûe à la plume du ministre de Bulgarie à Berlin, M. Rizoff. Nous connaissons bien les procédés insolites dont la propagande bulgare se sert pour tenter d'imposer une idée fausse, Mais nous n'avons jamais vw une œuvre pleine d'aussi brutales inexactitudes, combinée avec le seul souci d’induire en erreur le public européen sur le véritable caractère des pays convoités par la Bulgarie.
M. Rizoff nous fait l'historique des terres « bulgares »; il nous présente les époques où ces terres subissaient la domination de sa race... Maïs M. Rizoïf évite soïgneusement de présenter au même publie les époques où la Serbie et ses rois dominaient sur ces mêmes contrées, y créant une ère de prospérité nationale. M. Rizoff ne veut pas reconnaître que la domination bulgare sur la Macédoine avaït un caractère passager, que cette domination n’a presque pas laissé de traces, tandis que la domination serbe y a laissé toute une histoire intégralement conservée et librement manifestée dans la langue, les mœurs, les cultes et les traditions.
M. Rizoff présente des cartes, avec des frontières soigneusement déterminées, des cartes empruntées, dit-il, À des auteurs étrangers. Mais M. Rizoff ne veul pas nous indiquer les sources où ces élrangers avaient puisé La documentation leur permettant d'établir ces frontières ethnographiques. M. Rizoff n'a aucun intérêt À le dire, car lorsque le monde saura que “ces ouvrages sont basés uniquement sur des statistiques fasiliées, sur des. attributions de contrées entières à des vilayets auxquelles elles m'avaïent jamais -appartenu, lorsque le monde saura que l’exarchat bulgare y induisait sciemment en erreur les explorateurs étrangers par des documents établis pour les besoins de la cause; que ce même examchat y prêtait avec empressement le terrain religieux à des combinaisons politiques, latlas de M. Rizoff subira le sort que mérile un livre composé d’inexactitude, d'omissions et de chantages auxquels seuls la propagande bulgare est capable de recourir,
Quant au règlement futur du problème balkanique, proposé en quatre langues par M. Rizoïf, nous laissons au public le soin d'apprécier le degré de folie qui à guidé le ministre bulgare dans son œuvre de chauvinisme exemplaire. M. Rizoff préconise tout simplement le morcellement de la Roumanie et de la Grèce, l'abandon par la Serbie des plus rigoureusement serbes de ses territoires. IL demande la conservation intégrale de la Turquie lui, Rizoff,-dont la vie n’a été qu’une constante lutte contre l'Empire des Sullans et il veut sur les débris des peuples des