La Serbie

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Nimes Année. — No 12

, | | JOURNAL POLITIQUE

RÉDACTION et ADMINISTRATION 69, fue du XXXI Décembre - Genève Téléphone 14.05

Prix du Numéro : 18 Centimes

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Paraissant tous les Samedis

{ Rédacteur en chef :

[a discussion Reirach-Andrassy sur l'Autriche

Nous avons récemment parle de l'article du comte Jules Andrassy « La Grande-Bretagne et la paix », publié dans la « Revue politique internationale ». Nous voulons aujourd’hui parler de la réponse de M. J. Reinach, publiée dans la même Revue (Janvier-Février 1918) sous le titre : « Le problème des Etats-Unis d'Orient». En traitant le problème de l’AutricheHongrie en historien, M. J. Reinach croit avoir trouvé la solution rationnelle du problème dans

le retour de la Monarchie à ses véritables destinées danubiennes « qu’elle a méconnues pendant des siècles pour son malheur et pour celui du monde, à la poursuite tantôt du mirage carlovingien, tantôt du mirage italien et qu’elle a méconnue plus récemment encore pour avoir voulu substituer aux confédérations nécessaires une unité factice ». Cette destinée danubienne et orientale de l'Autriche indique excellemment, selon M. Reïinach, la solution du. problème autrichien. C’est pourquoi dans son article il préconise une confédération des Etats danubiens composée de la Hongrie, de la Serbie, de la Roumanie, de la Bohême, de la Moravie, de la Croatie-Slavonie, du Monténégro, enfin de la Bulgarie, avec l'Autriche en tête.

Cette idée d'une Autriche transiormée en Empire de l'Est a été reconnue excellente déjà par Tayllerand, l’auteur du fameux mémorandum présenté en 1805 à Napoléon, au lendemain de la capitulation d'Ulm et à la veille d'Austerlitz. Il s'agissait alors d'agrandir l'Autriche et de l’orienter vers la vallée du Danube pour en faire tout à la fois le contrepoids de la Russie et celui de l’Allemagne ou de la Prusse.

Il n'est pas” sans intérêt de souligner que l'éminent historien français entend organiser le futur empire d'Orient en se basant sur un projet qui a pris naissance à l'époque la plus impérialiste de l'histoire de France. Il attribue à ce document une importance qui selon nous serait tout à fait exagérée. « Combien les destinées du monde, dit-il, eussent été différentes, si Bismarck au lendemain de Sadova, n'avait point eu raison du roi de Prusse ou si Tayllerand, à la veille d’Austerlitz, n'avait point cédé à Napoléon ». Et il fait grief à Napoléon de n'avoir pas agrandi l'Autriche pour en faire un Etat tampon en concluant ensuite une alliance avec elle.

Nous ne sommes point d'avis que l'alliance franco-autrichienne aurait sauvé Napoléon, pas plus que ne le sauva l’alliance franco-russe faite à Tilsit.

Ce qui a perdu Napoléon ce n’est point de de n'avoir pas suffisamment ménagé l'Autriche

mais bien de n’avoir pas restauré la Pologne. C'est d'être devenu conquérant au lieu de rester libérateur.

M. Reinach se réclame également de l'autorité de Gambetta qui fut un admirateur du projet en question. Et il nous dit que le dessein de Tayllerand avait été repris dans ses grandes lignes par Kossuth dans ses « Souvenirs et écrits

. d'exils ». [l nous apprend en même temps que Gambetta tenait Kossuth pour l’un des plus puissants et des plus nobles esprits du dixneuvième siècle. Voyons donc le programme de Kossuth :

« Ayons toujours devant les yeux la pensée que l'Autriche ne cessera pas de recourir aux moyens qu’elle a toujours employés pour opposer les unes aux autres les nations rivales afin de les réduire en esclavage. Un principe de fraternité doit tous nous diriger. Notre but doit être la Confédération des Etats danubiens,

Hongrie, Serbie, Moldo-Valachie » (Mémoire

au prince Couza avec projet de convention en 1859). — On voit bien de ce qui précède que Kossuth est rempli de méfiance à l'égard de l'Autriche. C’est précisément contre celle-ci qu’il entendait former une Confédération danubienne. Or, de la Confédération du Danube comme l'imagine aujourd'hui M. Reinach l’Autriche proprement dite ferait nécessairement parlie.

M. Reinach qui prétend avoir repris le projet danubien de Kossuth semble ne pas se douter de la différence énorme qu'il y a entre le projet de Tayllerand, celui de Kossuth et son projet à lui. Il dit notamment : « Mais ou je me trompe fort ou l'idée une fois lancée à nouveau doit faire son chemin ».

Or les trois projets sont plus que différents. Le projet de Tayllerand est un projet purement impérialiste qui ne tient aucun compte des droits des peuples. Il est rédigé dans l'esprit qui régnait dans les chancelleries avant et pendant le Congrès de Vienne. Le projet de Kossuth, c’est celui d’un révolutionnaire et d’un exilé. Il préconise une union libre entre les peuples sur le pied d'égalité. L'’Autriche ne représentant aucun peuple en fut naturellement exclu. Ce fut le projet d'un homme politique qui connaissait bien son adversaire, maïs qui se faisait une très bonne opinion de son pays dans lequel il avait mis toute sa foi.

L'histoire a démontré que la Hongrie pas plus que l'Autriche ne mérite aucune confiance. Les Magyars, ayant le même idéal que les Allemands d'Autriche, saisirent la première occasion pour abandonner le testament politique de Kossuth. C’est ce que fit Andrassy en signant le Compromis en 1867.

Comme l'a bien remarqué M. Reinach luimême, la condamnation de la politique autrichienne et plus encore celle de la politique hongroise depuis l'ère allemande de la Double Monarchie sont écrites à chaque page du livre de Kossuth.

L'idéal de Kossuth fut la liberté, celui d'Andrassy et des Magyars d'aujourd'hui c’est la domination. Il n’existe point de compatibilité entre les deux idéals. Aussi on ne peut ennuyer les Magyars d'aujourd'hui plus qu'en leur rappelant les principes de Kossuth. La Hongrie en 1867 n'a fait reconnaître sa demiindépendance qu'au prix de l'abandon de tous les principes de Kossuth.

La grande pensée de Kossuth fut de concilier tous les intérêts et tous les droits des races réunies aux bords du Danube et dé ses affluents. Il établissait cette confédération comme une barrière à la fois contre la Russie et contre l'Autriche. Avec la Hongrie de Kossuth ayant le même idéal de la liberté et le même respect des droits des peuples, la Serbie aurait pu lier partie. Avec la Hongrie d'aujourd'hui et avec l'Autriche, c'est une chose impossible Dans une confédération il doit y avoir quelque chose de plus que les intérêts supposés communs. Il doit exister une confiance réciproque des confédérés, résultant de la communauté de leur idéal. Sur quoi reposerait cette confiance dans le cas envisagé par M. Reinach ? Où sont les preuves que les Magyars et les Allemands ont renoncé à leur pensée d’hégémonie et de domination? La mentalité de l'Autriche proprement dite et de la Hongrie est la même, C'est celle des Allemands d'Allemagne. Entre cette mentalité et la nôtre il y a un abime. Il n'y a guère d'arrangement possible entre la liberté et la domination.

M.-D. MARINCOVITCH.

ES SPTTEAERSEET IEP

HEBDOMADAIRE

Dr Lazare MARCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade

Genève, Samedi 23 Mars 1918

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Les Bulgares et la culture française

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Nous venons de lire dans le (Journal de Genève » du 10 mars, une annonce de l'ut Ambassade» (sic!) bulgare à Berne, qui cherche des professeurs français pour l’Université Sofia. Ceux qui ne connaissent pas les Bul& wsseront surpris que les Bulgares en pleine guerre s’avisent de chercher les professeurs françois. On dirail qu'à Sofia l’on est tellement

éfris de la culiure française qu'on ne peut s’en

passer même pendant la guerre. Rien n’est plus faux qu’une telle opinion. Pour en convaincre nos lecteurs, nous nous permettons de reproduire ici un article dû non pas à un journaliste quelconqgue mais qui a êté publié en 1914 sous la signature du Dr N. Petkoff, professeur à l'Universilé de Sofia :

« Une lutte héroïque se deroule devant nous: d'un côté la saine et puissante culture germanique lutte avec la culture française pourrie, qui condamnée à mort tâche d’entrainer derrière elle tous les peuples d'Europe. La France actuelle n'est qu’un cloaque immonde qui contamine l'air de l'Europe entière. La saine culture germanique s’est révoltée contre elle, car elle veut conquérir un champ libre pour son développement... « Actuellement, la France dégénérée intellectuellement ef dépeuplée, luttant contre la

puissante cullure germanique a pour allié la Russie barbare et bornée ». (Cité d’après À. Muzet: Le Monde Balkanique, page 51).

On peut donc se demander pourquoi les Bulgares tiennent maintenant à trouver un professeur français pour leur enseigner («une cullure pourrie » au lieu de puiser leurs sciences à la source de la sainte culture germanique !

La réponse est facile à donner. C’est que les Bulgares, pour convaincre l’Entenite du bienfondé de leurs prétentions sur la Macédoine serbe, ont besoin d’un nouveau bouquin qui sera l'œuvre d’un Français, d’un écrivain ententiste digne de foi. L'auteur serait pour cela bien payé el choyé à Sofia tant que son livre ne serait pas fini. Après, ce sera de nouveau la sainte culture germanique que l'on prendra pour modèle.

Nous croyons qu’il ne se trouvera pas un Français qui donnera dans ce piège bulgare. Nous voudrions connaître les professeurs français qai consentiront à devenir les collègues de M. Petkoff. Ce n’est que pour falsifier la Science qüe les Bulgares cherchent des professeurs français. Qu'ils aillent donc chercher les faussaires dans le pays où cet art est le plus avancé.

Don MIGUEL.

LE FRONT DE SALONIQUE ET LES ALLIÉS

La question du renforcement ou de

| Hhffaiblissement du front de Salonique n'a

jamais été l'objet des déclarations officielles, ct de temps en temps seulement le problème militaire et politique est discuté dans la presse, par les publicistes n'ayant aucune situation responsable. Ce silence a été rompu pour la première fois le 7 mars, au parlement angiais. Le chancelier de l'Échiquier, dans son grand exposé sur la situation politique et militaire, n’a pas omis de parler aussi de la situation à Salonique. Voici le passage de son discours qui s’y rapporte:

Les opérations à Salonique ont souvent été critiquées devant le Parlement, mais J'ai peine à croire que la situation dans son ensemble a été bien comprise. IL est parfaitement vrai qu nos troupes ne sont, sur aucune part, engagées: ans une position aussi défavorable, à beaucoup d'égards, que celle de Salonique. Mais cela est dû aux événements de Russie. Il y a une année, nous ne nous serions Jamais attendus, à ce que ces troupes restassent sur la défensive. IL y avait de bonnes raisons pour croire qu'elles participeraient à des opérations oïfensives. Ce qui arriva en Russie rendit ce fait impossible. Il est mauvais, comme chaoun le sait, pour n'importe quelles troupes, de rester dans une position ptationnaire, mais Je suis heureux de pouvoir dire que — en dépit de ce fait et en dépit de cet autre fait profondément regrettable aux yeux du WarOffice, que l'on ne puisse donner aux troupes de Salonique ‘un nombre suffisant de permissions — Je suis heureux de pouvoir dire que le moral de nos troupes, là comme partout ailleurs, est au-dessus de tout éloge.

Les forces comprennent quatre ou cinq nationalités. Il y a des. Français, des Italiens, les Grecs, des Serbes — Je ne les mets pas en dernier — et nous-mêmes.

Il est évident que le commanidement «le telles forces exige des qualités particulières chez celui qui est à leur têle. Le général qui commande actuellement, général Guillaumat, qui m'a pas été longtemps à Salonique, a gagné, pour autant que nous sommes renseignés, l'estime de tous ceux qui servent sous ses ordres. Mais recn-

naissons — il n'y a pas de raison de ne pas le dire ici — que la position pourrait devenir très dangereuse.

: Il est parfoitement vrai que les Puissances. centrales, grâce à leurs meilleures voies de communication, pourraient envoyer conire Salonique une force à telle il serait difficile èt peut-être impossible pour nous de répondre par une force adéquate. Tel est le danger — mais les disponibilités de l'Allemagne, nous avons à ce sujet un grand mombre d'informations — ne somt pas inépuisables. : _

[is ne peuvent pas tout faire à la fois, et si ieur tentative a lieu, toutes les informations qui nous parviennent nous engagent à croire que ce serait une expédition coûteuse et qu'elle paierait par chaque mètre carré de terrain dont elle ferait reculer les troupes des Alliés.

Je n'ai encore rien dit pour justifier la présence des troupes à Salonique. Je ne crois pas qu'il soit difficile de la justifier. Le Parlement verra, immédiatement que sans les forces engagées à par les Alliés, le roi Constantin serait

encore sur le trône de Grèce, toute la Grèce serait envahie et les Allemands auraient le contôle complet sur le nord et le sud, lesi et l'ouest des Balkans, ce qui serait en soi un fort appoint à leur force.

Il y à unc autre raison qui est plus vitale pour nous, Si nos ennemis possédaient la Grèce et plaçaient ses ports à la disposition des sousmarins ennemis, ce n'est pas trop de dire — en tous gas nos experts le disent sans hésiter — que cela deviendrait un problème très difficile, sinon impossible à résoudre, de conserver nos communicalions avec l'Egypte. Cela suffit, Je pense, à justifier ce qui apparaît pour l'instant une inutile dépense d'énergie sur çe front.

A vrai dire, cette déclaration n'est pis à même de nous rassurer sur la sécurité du front de Salonique. L’allusion au fait que l'Allemagne me pourrait pas, à la fois, entreprendre des actions décisives sur différents fronts. n’est pas une consolation non plus parce que à juger d’après ce qui s’est passé jusqu'à présent, l’Allemagne a toujours pratiqué la politique opposée, c'est-à-dire, elle à toujours concentré sur un point déterminé, son effort principal. Les raisons invoquées par le ministre anglais pour justifier la présence des troupes alliées à Salonique, sont deux fois plus valables pour Le renforcement nécessaire de l’armée d'Orient. Après le désastre roumain, l'importance du front serbe apparaît à tout le monde et c’est trop peu, pour la sécurité die ce front que de dire que l'Allemagne probablement ne pourra plus attaquer. Le meilleur moyen de s'assurer contre une offensive allemande, c’est de renforcer ce front dans la mesure de son importance. On a commis assez d'erreurs, il est. bien temps de pe préserver contre toute surprise. Le conseil de Versailles devrait y réfléchir.

La ,,Neue Zürcher Zeitung” et le livre de Rizoff

La tentative audacieuse de M. Rizoff d’égarer l'opinion publique sur le véritable caractère des prétentions bulgares, semble avoir avorté. Pour s'en rendre compte, il suffit de lire l'article de M. le Dr A. B, flans la « Neue Z ürcher: Zeitung» du 9 mars, un Journal dont la bienveillance envers la Bulgarie est presque notoire. Eh bien, le jugement du rédacteur «le la «Zürcher» sur le livre de Rizoff est tellement désobligeant à l'égard des arguments «scientifiques» du diplomate bulgare qu’il donnera à réfléchir à ces Messieurs de Sofia. Là où Rizoït réclame les pays serbes, grecs, roumains ou turcs, la « Neue Zürcher Zeitung» observe avec étonnement que les Bulgares appellent cela leur «unité nationale»! Et elle conclut par cette sentence désastreuse: «Du reste les cartes et les paroles du savant ministre bulgare n’ont pas réussi à prouver, non seulement pour la Dobroudja mais même pour les autres parties des Balkans réclamées par les Bulgares, qu'en réalité la population y est Eminemment et purement bulgare.»