La Serbie
Ilme Année. — No 14
ne
RÉDACTION et ADMINISTRATION 6, rue du XXXI Décembre - Genève Téléphone 14.05
Prix du Numéro : 10 Centimes
JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE
Paraissant tous les Samedis
Rédacteur en chef :
Dr Lazare MARCOVITCH, professeur
L'exposé de M. Pachitch
A la séance de la Scoupchtina Serbe, à Corfou, le 31 mars après que l'on eut adopté par acclamation Ja proposition du président d'envoyer des télégrammes aux parlements français et anglais exprimant l'admiration de la Scoupchtina pour l'héroïisme indomptable des armées alliées, le président du conseil M. Nicolas Pachitch a lu au nom du gouvernement l'exposé suivant sur la politique étrangère :
Messieurs les députés,
Depuis la dernière réunion de cette assemblée, un grand nombre d'événements se sont déroulés qui ont considérablement modifié la situation générale militaire et politique. Un des nos plus grands alliés, la Russie s'est retirée des champs de bataille, mais un autre allié aussi puissant que la Russie a accouru à notre secours, pas encore sans doute avec toute la force dont il dispose. Ces deux principaux événements avec d’autres qui sont de moindre importance, ont sensiblement changé la situation qui existait il y a déjà plus d'un an à l'époque où l'Allemagne nous proposait la conclusion d’une paix « honorable » pour les deux groupes belligérants. L'Allemagne déjà à ce moment commençait à apercevoir l'impossibilité de battre ses adversaires par la seule force militaire et devait recourir aux autres moyens dont elle se servait déjà auparavant, bien que dans une mesure plus restreinte. L'Allemagne se décida alors à faire plus énergiquement l'emploi de voies clandestines afin de désorganiser le plus vite possible la force et l'unité de ses adversaires. Elle machina des intrigues se servant de différents méthodes suivant les pays auxquels elle
les destinait et où elle croyait qu'elles réus-.
siraient.
Messieurs les députés se souviennent encore du cas de Miassoyedof qui fut embauché par l'ennemi dans le but d’anéantir toute une armée russe, Îls se rappellent aussi la tentative de l'ennemi de soulever l'Irlande ce qui échoua piteusement grâce aux mesures promptes et énergiques du gouvernement britannique. Vous avez assurément gardé un vif souvenir de l'exploitation illicite que gouvernements ennemis faisaient en Italie de la note papale en faveur de la paix. Souvenez-vous aussi des nombreux cas de destruction, d’incendies des objets militaires par l'action de leurs agents, et de la propagande ennemie visant le développement de l'idée de la paix prématurée au profit de l'Allemagne et éxercée par les pacifistes à outrance et un certain nombre d'impérieux internationalistes suspects, au moyen de conférences dans les pays neutres et des journaux défaitistes. Toutes ces intrigues étaient revêtues de belles phrases et de hauts idéals humanitaires par lesquelles l'ennemi propageait dans les républiques des idées
monarchistes, dans: les monarchies des. idées.
républicaines, préconisait dans les pays démocratiques le régime militaire et dans les autocraties les idées démocratiques, républicaines et anarchistes. Elles n'avait qu'un seul but: provoquer des désordres intérieurs et la discorde entre les Alliés en vue de faire dévier l'attention de ses adversaires du but principal. Dans tous les pays alliés ont ressentit les effets de ces agissements secrets de nos ennemis.
Mais toutes ces intrigues et ces agissements secrets n'ont pu réussir nulle part autant qu'en Russie où il y avait beaucoup d’Allemands et où nos ennemis sont arrivés à concentrer toute l'attention d’un peuple en pleine guerre sur la réorganisation intérieure. De cette façon il fut donnée la possibilité aux ennemis les plus dangereux de la liberté des peuples et de leur droit de disposer librement de leurs destinées, de mener plus facilement la lutte avec les
nations libres et démocratiques dressées contre le germanisme pour défendre les droits des faibles et d'empêcher l'asservissement des autres pays et des autres peuples. Le premier mouvement révolutionnaire en Russie était dirigé contre un gouvernement autocratique et et irrésponsable. On prétendit du côté révolutionnaire que le gouvernement avait entamé les pourparlers de paix secrets avec l'Allemagne à l'insu du peuple russe et des Alliés. Après ce premier mouvement, un deuxième eut lieu en Russie, demandant la paix démocratique sans annexions ni contributions, sur la base du droit des peuples de disposer librement de leur sort. Ce provisoire n'ayant pas voulu couper les liens qui rattachent la Russie aux pays démocratiques et alliés, un troisième mouvement survint qui ne tarda pas à couper les liens unissant la Russie aux alliés, à démobiliser les armées russes contrairement à toutes les raisons, même à celles des révolutionnaires, et à entamer avec les ennemis des pourparlers de paix séparée à BrestLitovsk. Le résultat de ces pourparlers fut la capitulation des maximalistes devant le militarisme allemand, l'annexion déguisée par l’Allemagne des grandes provinces russes et la conclusion de la paix entre les Centraux et l'Ukraïne par laquelle celle-ci se sépara de ses frères ainsi affaiblis, pour aider consciemment les ennemis de la race slave; la reconnaissance de l'indépendance de la Finlande, du Caucase et de la Pologne par les Centraux, de même que la désagrégation et la discorde générale en Russie où sévit actuellement la guerre civile et fratricide.
deuxième gouvernement révolutionnaire
Nous ne voulons pas nier que la révolution russe compte dans ses rangs des combattants sincères pour les hauts idéals sociaux, pour les réformes démocratiques et la liberté. Mais à juger par ses effets, il est impossible de nier que la révolution russe subit une influence allemande et qu'elle n'ait pas été utile jusqu’à présent qu'à l'Allemagne qui déclara la guerre à la Russie lorsqu'elle voulut l'empêcher de subjuguer les nations faibles et d'établir sa prédominence dans le monde. Les révolutionnaires russes subirent un échec de la ‘part du militarisme allemand et lui cédèrent les peuples qui espéraient obtenir de la révolution russe le droit de disposer d'eux-mêmes. Il est possible et probable que la situation en Russie puisse s'améliorer. Mais actuellement ce que les Allemands visaient en Russie s'est réalisé. Ils se sont emparés des provinces russes et onr amené la guerre civile dans la patrie russe et ont évité le danger dont les armées russes les menaçaient.
Cette armée ayant été prématurément démobilisée et désorganisée pour des raisons incompréhensibles, l'ennemi put diriger toutes ses forces contre ses autres adversaires. [l obtint aussi par là des provisions considérables en matériel et en vivres. Cette catastrophe qui couvrit le peuple russe de honte, servit de leçon à toutes les autres nations, car on acquit définitivemént la conviction que c’était bien l’Allemagne qui a provoqué cette terrible guerre dans le but de conquêtes et d’hégémonie. Mais la grande et libre Amérique n'avait pas attendu ce moment pour se décider de déclarer la guerre à l'Allemagne qui mettait au-dessus des principes du droit et de justice celui de la force brutale. Par des procédés de guerre allemands qui surpassent les horreurs barbares et qui n'épargnent pas mêmes les pays neutres, les Etats-Unis acquirent la conviction que c'est un
dévoir de limiter cette force brutale si le monde édtier ne devait pas tomber:sous le joug du militarisme allemand. Dans ce but, l'Amérique eñra en guerre contre l'Allemagne afin de défendre la civilisation et le droit des peuples de disposer d'eux-mêmes.
L'apparition de l'Amérique du Nord sur le théâtre de la guerre combla le vide produit par la défaillance russe. Nos alliés ayant obtenu la conviction qu'ils ne pouvaient plus compter sur la Russie et qu'il serait même dangereux d'attendre d'elle un appui militaire, ils employèrent toutes leurs forces conformément à la situation nouvelle pour fottifier la solidarité qui les unit er augmenter la force militaire et matérielle dans la mesure de ce qui était perdu par le retrait des Russes du champ de bataille et afin de pouvoir continuer la guerre avec la confiance entière jusqu'à la victoire définitive, et tout cela pour assurer au monde une justice et une paix durable basée sur la liberté des peuples de disposer d'eux-mêmes. La force de l’armée de nos alliés est plus considérable que celle des ennemis, tant en hommes que en matériel. L'organisation s'améliore et sur toutes les questions l’on est entièrement d'accord. Ces temps derniers, les atrocités de guerre allemands décidérent le Japon à participer encore plus activement à la lutte que les Alliés mènent pour la viétoïre-de la liberté et du droit.
Le peuple serbe qui fit les plus grand sacrifices et donna les plus grandes preuves de sa loyauté et de sa fidélité envers les Alllés, peut donc être certain que ses sacrifices ne seront pas vains et que ses idéals seront réalisés s’il continue de donner dans l'avenir des marques de ses vertus militaires et civiles, et s'il reste préservé comme dans le passé des intrigues ayant pour but de détruire sa concorde et son union dans la défense des intérêts de notre peuple qui porte trois noms mais qui n’est qu’une nation. Il saute aux yeux que l'Autriche-Hongrie a surtout ces derniers temps intensifié ses intrigues er ses calomnies contre le peuple serbe. Elle commença par répandre dans l'Europe occidentale des faux bruits que la Serbie avait essayé par voie détournée d'entamer des pourparlers de paix séparée, tandis que dans notre pays et sur le front de l'armée serbe elle suggère qu'elle serait disposée de mettre fin à la guerre contre la Serbie mais que le roi Pierre et le gouvernement serbe s'y opposent. Toutes ces intrigues et ces calomnies 6nt un seul but : ébranler la foi que nos Alliés ont dans le peuple serbe, briser la concorde nationale et pouvoir par nos discordes et frottements s'assurer les conquêt:s du pays serbe. Mais notre peuple connaît trop bien l'Autriche-Hongrie pour se prêter à ces intrigues infâmes et de croire à ces paroles mensongères. Il reste fidèle à ses nobles alliés qui versent leur sang pour les nations petites et faibles et ne se dépaitira pas de cette attitude jusqu’à la fin. Le peuple serbe a donner tout ce qu'il avait pu donner ; à présent avec le peu de forces qui lui restent, il veut se tenir fidèlement aux côtés des Alliés. Il ne doit jamais perdre de vue que l'Autriche-Hongrie provoqua la guerre avec le dessein d'anéantir la Serbie, et que par conséquent même si nos adversaires feignaient parfois d’avoir de la sympathie pour notre cause, ils ne pourraient plus jamais être pour nous plus grands amis que nos alliés qui se sont levés pour défendre leur indépendance et la nôtre et pour assurer l'égalité de tous les peuples.
Nos alliés ne manqueront pas d'acquérir la
à l'Université de Belgrade
Genève, Samedi 6 Avril 1918.
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Autres pays. 9fr. —
conviction que ‘les peuples de l'AutricheHongrie ne peuvent pas être libres et que la paix durable ne peut pas être garantie tant que ces peuples vivront dans l'Etat des Habsbourg, qui, de peuples jadis libres, forma des esclaves germano-magyars et empêcha leur développement, les asservissant à l'exploitation germanomagyare. Le germanisme se heurta contre la patrie serbe dans sa poussée vers l'Orient et seul un Etat uni des Serbes, Croates et Slovenes, étroitement lié à l'Italie peut barrer la route à la poussée allemande vers l'Orient et l’Adriatique, tout en secondant l'établissement d'une paix durable.
Nous ne demandons: que ce qui nous appattient de droit. Nous demandons l'abolition de l'esclavage des peuples comme il fut supprimé pour les personnes. Nous demandons l'égalité entre toutes les nations grandes et petites, la fraternité et l'égalité de toutes les nationalités et la fondation d'un état libre de tous les You goslaves réunis. La rétrocession de l’AlsaceLorraine à la France et le rétablissement complet de la Belgique indépendante ; le rétablissement du royaume de tous les Tchèques, de même que celui de tous les Polonais, l'union des Italiens avec l'Italie, des Roumains avec la Roumanie, des Grecs avec la Grèce, tout cela constituant la plus grande et la plus solide garantie pour la paix internationale, juste et durable. Nous réclamons donc ce qui doit se réaliser tôt ou tard, sinon après cette guerre, alors après une nouvelle effusion de sang, puisque cela est lié au progrès de la civilisation et de l'humanité. Ces grands buts humanitaires et justes, qui incarnent la vie et le développemen de la civilisation, nous le répétons, doivent être réalisées. Îls contiennent ces grands idéals qui ressortent de l'âme et des sentiments des individus et des peuples et qui vaincront la force brutale de certains Etats anachroniques, comme ils ont vaincu le siècle passé la force brutale de l'individu.
Honneur et reconnaissance à tous les peuples qui combattent pour le droit de toutes les nations à disposer de leurs destinées, et pour la paix internationale juste et durable.
Un télégramme de Corfou, à la date du 2
avril, annonce :
Une délégation de cinq membres de la Scoupchtina se rendit hier chez le ministre de France, Vicomte de Fonieney et le ministre de Grande-Bretagne, Sir des Graz, et présenta les félicitations de la Scoupchtina pour la magnifique attitude des armées franco-britanniques, déclarant, qu’en ses jours glorieux et graves, les Alliés peuvent compter comme jusqu'ici, sur la fidélité inébranlable de la Serbie. Les ministres de France et de Grande-Bretagne rendirent aujourd'hui une visite au président de la Scoupchtina et assistèrent à la séance, où un des, lœders de l'opposition, ancien ministre des travaux publics M. Voulovitch, déclara que la Scoupchina entière partage lopinion, que loule la Serbie depuis le dernier berger jusqu'au roi, doit rester jusqu'au bout avec les Alliés et que la Serbie a lié son sort au leur pour la vie et la mort.
Jeudi aura lieu dans la cathédrale grecque à Corfou, une grande messe pour la vicloire des armées alliées, à laquelle officiera le métropolite serbe.
Les fables du comte Czernin
Le discours prononcé par le comte Czernün devant la municipalité de Vienne est éloquent aveu de l’insuccès de loffensive allemande sur le front occidental. N'ayant plus rien à espérer de la «kolossale » offensive allemande, l'Autriche voudrait revenir sur le lerrain diplomatique. M. Czernin a daigné aussi parler un peu plus longtemps de la Serbie que d’habitucie. « En ce qui concerne la Serbie, nous savons que le désir de paix est très grand dans ce pays, mais qu'il est empêché de la conclure par les grandes puissances de l’Entente. :
« La Bulgarie doit obtenir certaines résions habitées par des Bulgares, mais nous ne voulons pas anéanlir la Serbie ni l’écraser. Nous voulons lui donmer la possihilité de se développer. Un attachement économique plus étroit de la Serbie avec