La Serbie
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JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE
Paraissant tous les Samedis
Rédacteur en chef: Dr Lazare MARCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade
. Genève, Samedi 27 Avril 1918
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ABONMEMENT à
Autres pays. Ofr.— »
L'AUTRICHE-HONGRIE LE POINT DE VUE SUISSE
Désireux de connaître, à l'occasion des récentes conférences de M. William Marlin sur « La Suisse et le problème de la paix », le sentiment d'un autre publiciste suisse à l'égard de l'Autriche-Hongrie, nous avons demandé à M. Marc Dufaux, rédacteur en chef de «La Suisse », son opinion que noûs
sommes heureux de reproduire ici :
On s’est étonné parfois de voir certains milieux alliés témoigner à l'Autriche-Hongrie un peu de l'indulgence qu'ils refusent à bon droit à l'Allemagne. Ceux qui connaissent bien la monarchie danubienne, ses méthodes de gouvernement et son étroite dépendance à l'égard de la politique al'emande ont peine à admettre la légitimité d'une telle distinction. Mais il faut croire que le traitement de faveur que d’aucuns voudraient accorder à l’AutricheHongrie correspond à des sentiments répandus, à des illusions générales, puisque des écrivains et des journalistes suisses, et non des moindres, les partagent de grand cœur, si bien placés qu'ils soient pour étudier le problème complexe que l'on appelle d’un terme vague « la question
d’Autriche-Hongrie ».
Qu'il me soit permis cependant, de reprendre ici les idées émises à ce sujet par M. William Martin, rédacteur politique au « Journal de Genève », dans la Revue politique internationale de mars avril 1917, idées qui n’ont rien perdu de leur actualité, puisque leur auteur les a développées à nouveau, en de récentes conférences. . Ce sont là des controverses que des Suisses ont tout avantage à entamer car, si la Suisse est bien peu de chose au sein du chaos mondial, elle est pourtant un des pays où les pulsations de l'Europe peuvent être comptées et appréciées avec fruit. EtM. W. Martin a raison d'écrire: « Il n’est pas de pays au monde dont les intérêts soient plus européens, plus conformes au but que se propose le monde entier, la paix et le repos après une guerre effroyable ».
Mais il est différentes façons d entendre cette paix et ce repos. Selon M. W. M. « au point de vue territorial, il ne suffit pas qu'aucun de nos voisins ne voie sa puissance s’accroitre jusqu'à une domination incontestée ; il faut encore qu'aucun disparaisse ; que la paix assure le principe de l'équilibre de notre politique par le maintien des quatre Etats qui nous avoisisinent ».
Ce précepte, ajoute-t-on, nous empêche de souhaiter la disparition de l’Autriche-Hongrie. En attendant de s'expliquer sur ce point, l’auteur de l'article sent immédiatement la nécessité de ne pas absoudre d’un coup l’Autriche-Hon-
grie, coupable de tant d'erreurs et de tant de :
crimes. Aussi poursuit-il en ces termes : « Nous n'entendons pas porter ici un jugement d'acquittement sur la politique austro-hongroise, qui contribua à déchaïner la guerre. L’Autriche avait une double chance, celle de n’avoir pas chez elle, une race dominante assez forte pour opprimer les autres, et celle de ne pas avoir à ses côtés de grande nation, sauf l'Italie, capable d'exercer une attraction sur ses petites nationalités allogènes. Loin de profiter de cet avantage l'Autriche-Hongrie l’a ruiné de ses propres mains. Elle a créé, depuis sa sortie de la Confédération germanique, de toutes pièces, un irrédentisme tchèque, qui n'avait jamais existe, un irrédentisme yougo-slave, un irrédentisme
roumain ).
Sans vouloir discuter ce que ces restrictions ontd'insuffisant — car l'irrédentisme yougo-slave, à ot, SMS
pour ne parler que de celui-ci, n a pas ete cree
let par Les maladresses de a
mais répond aux aspirations profondes de tout un peuple, —- il convient d'examiner aussitôt le bien-fondé de cet axiome : l'Autriche-Hongrie doit être intégralement maintenue dans l'intérêt suisse ou, comme le dit M. W. M. elle est « un terme nécessaire de cet équilibre qui nous importe par dessus tout ».
Cet axiome’ en effet ne paraîtra pas à tous les Suisses aussi indubitable que le dit M. W. Martin. Et les arguments qu'il invoque en sa faveur soulèvent de multiples et graves objections. M. W. M. raisonne ainsi : € La destruction de l'Autriche-Hongrie ainsi qu'il a souvent été démontré, laisserait toujours un double résidu, l'Etat magyar et l'Etat allemand d'Autriche. L'un et l’autre pour des raisons diverses, affinités de race ou d'intérêt, viendraient nécessairement grossir l'Empire allemand. Détruire l'Autriche ce n'est pas affaiblir, mais fortifier l'Allemagne et cela ne peut pas être dans l'intérêt de l'équilibre de la paix en Europe ».
L'argument paraït irréfutable, à condition de ne point serrer trop près. Actuellement, l'Autriche-Hongrie est en effet, un instrument passif de la politique allemande. C'est donc l'Etat austro-magyar tout entier qui vient, selon l’expression de M. W.M, grossir et fortifier l’Allemagne. Diminuer cet apport, affaiblir cette aide serait donc indubitablement un progrès, et non sans importance. Îl suffit pour s'en rendre compte, de comparer le chiffre de la population totale de la monarchie bicéphale avec celui de la population magyare réunies. Libérer tous les Slaves, Tchèco-Slovaques, Slovènes, Croates et Serbes, qui endurent le joug austro-hongrois serait-ce vraiment grossir les rangs des Allemands ? Une dialectique rigoureuse ne saurait le soutenir. Mieux vaut accorder l'Allemagne la partie que le tout: du seul point de vue suisse, c'est-à-dire du point de vue de l’équilibre entre nos voisins, il est certes préférable d'opposer à l'Allemagne — même grossie des Allemands d'Autriche et des Magyars - un état tchéco-slovaque et un état yougoslave indépendants, et disposés, au rebours de l’Autriche-Hongrie actuelle, à lutter contre le germanisme envahissant.
M. W. Martin, qui croit à la mission féconde du jeune empereur Charles, suggère ensuite que le dualisme, le trialisme, « ou tout autre forme accessible de fédéralisme », pourrait insuffler à la monarchie une existence nouvelle, dont la Suisse n'aurait qu'à se féliciter.
Certes, une telle idée est pour séduire tous les citoyens d'un pays fondé sur le fédéralisme et qui s'en trouve le mieux du monde. Mais l'Autriche-Hongrie est-elle réellement susceptible d'un tel rajeunissement : ? Toute la question est là. M. W. Martin croit à la possibilité de régénérer l'Autriche-Hongrie et il crot qu'à cette transformation sont liés à la fois l'intérêt de l’Europe et celui de la Suisse. È
Bien des publicistes et beaucoup d'hommes politiques, parmi les neutres et parmi les Alké: même, PAñegenr ce sentiment. Ce n’est pourtant qu'un sentiment, et singulièrement dépourvu de fondements. La politique traditionnelle de l’Autriche-Hongrie, ses méthodes d’oppression systématique, ses principes de germanisation et de magyarisation, sa lutte incessante contre les nationalités aspirant à l'indépendance ou même simplement à un traitement équitable
Ÿ: de démontrent
au sein de la monarchie, tous ces faits — et surtout la sujetion consentie à l'égard de l'Allemagne — sont plutôt de nature à faire
reléguer parmi les dangereuses utopies, l'idée d'une régénération profonde et sincère de l'état austro-magyar. Devant tant d'événements d'un côté la fidélité de l'Autriche-Hongrie à ses traditions féodales, de l’autre la volonté qu'ont les peuples de s'’affranchir de sa domination, devant ces preuves renouvelées, une autre solution s'impose : celle d'une libération totale des nationalités opprimées. Et il est permis de penser que l'équilibre européen, sur ces meilleures bases, acquérerait une stabilité meilleure et plus durable. La Suisse y perdrait-elle ? M. W. Martin ne le démontre point, et l’on vient de voir que les arguments qu'il invoque en faveur du maintien de l’Autriche-Hongrie n’ont rien de décisif.
Ainsi, du point de vue suisse, comme du point de vue européen, la conservation de l'Autriche-Hongrie actuelle voire d'une Autriche-Hongrie soi-disant régénérée — apparait plutôt comme un danger que comme une
garantie.
La Suisse aurait-elle intérêt à voir subsister à ses frontières un Etat dont les principes et les traditions sont contraires aux principes etaux traditions suisses ? Pays de liberté et de démocratie véritable, la Suisse appelle au contraire de tous ses vœux, l'instauration, en Europe et surtout en Autriche-Hongrie, d’un régime identique au sien. La paix durable est à ce prix.
Ra» M. Dx.
Les Allemands d'Autriche menacent
La lutte des peuples dans la doubie monarchie prend des proportions de pius en pius grandes. Tandÿs que dans la partie hongroise de la Monarchie, l’oigarchie magyare appuyée sur lès baionnettes poursuit son œuvre de magyarisation forcée avec une énergie fébrile, les Allemands d’Autriche bouleversés par la volonué consciente et organisée des peuples slavus Se tournent désespérés vers leurs alLiés germaniques et profèrent des menaces contre les Yougoslaves, les Tchèques et les Polonais.
Ces derniers kemps, la résolution des Allemands d'Autriche de ne pas to.érer les manifestations en faveur de l'indépendance des Siaves à pris une forme plus énergique. li parait en e.fet que les Adzmamus vont entreprendre à l'instar des Yougoslaves et des ‘chèques un piébiscite, mass un plébiscite diuférent de çeiui des Slaves. Ls se déclarent de plus en p.us nombreux pour la nécessité d’une hégémonie incontestabble des Allemands d’Aubréche Sans égard aux vœux exprimés par les Yougosa Vus et Les Tchèques. Leurs menaces me sont pas adressées seulement aux Slavis maïs aussi au gouvernement auquel ils reprochent sa faib.esse et son inconstance daus lus questions nalionases alemandes. Ainsi le parti allemand libéral du Tyrol a adopté une résoution bizarre. Les « Münchner Neuese Nachrichten» du 26 mars rapportent de Vienne la résolution suivante des Alemands du Tyrol. «Il doit être considéré comme impossibie que les Aemands d’Autriche obtiennent jamais la situation qui leur est dûe. Or, les Allemands n’ont plus aucune raison de se soucier de l’Etaï qui les néglige et les refoule. Ils peuvent regarder impassiblement comment ICS d rigeants de l'Autriche persévèrent à miner les bases de cet Etat et comment ils l’ €EXpOsent au danger. Nous Allemands, sero:i désormais aussi insouciants en Ce qui concerne la destinée de l'Autriche que les non Allemands et ne penserons qu’à notre bien-être. »
Ce douloureux reniement n’est pas maturellement aussi tragique que ces bons Tyroïens le présentent. C'est ure ÉSpiEss on d’un méconitentemeni qui s° mMa-
nifeste chez les Allemands Auf r'che obtre le gouvernement qui tolère l’organisation des. forces natiorales non-1l.emandes et n’emploie pas les mêm?s mesures violentes: que leurs frères magyars.
fronde,
Pourtant, pour agir conformément à da mode magyare, il. manque aux Allemands quelque chose. EL cest QUES
ont contre eux des peupi es organisés Pi conscients de leur droit à la vie depuis longtemps, envers qui lempioi des me sures violentes peut facilement provoquer
des explosions fort graves, dont les Sie ù
gennis “doivent: tenir compte.
Cependant Peffervescence gagne du ter“ain chez les Allemands. La « Tagespost » de Graz, disait il y a quelque temps: « Ou les revendications allemandes seront acceptées et réalisées dans l'intérêt de l'Etat ou bien nous laisserons les choses suivre leur cours fatal ».
Une ‘assemblée nationale Graz a adopté le 19 mars Ja suivante :
« 1. Les tendances grand-serbes ne doivent (pas, par une activité occulte intérieure, renaître à la vie. Un Etat yougoslave doit être empêché par tous les moyens.
« 2. Une province particulière slovène ne neitue qu'une phase pi HRESnIE de l'Etat yougoslave. La séparatäon de la Styrie et des provinces allemandes du sud doit être évitée par tous les moyens. Nous demandons au gouvernement d'étoulifer immédiatement l'activité souterraine excessive el constituant un crime de haute trahison qui tend à Ja réalisation d’un Etat yougoslave; cela par tous les moyens dont il dispose. La voie vers la mer doit demeurer
allemande à résolution
ouverte pour us. La voie libre vers Trieste doit être garantie par une recti-
fication. des frontières el par un travail de colonisation.
« 3 Le retour des iraîtres yougoslaves et ütaliens est en contradiction avec les conditions fondamentales d’un développement paisible.
« 4 L'alliance avec l'empire allemand doit être renforcée au point de vue politique, économique et militaire. Si le gouvernement fail la sourde oreille et si nos représentants allemands ne prennent pas mieux la défense de nos intérêts, c’est nous-mêmes qui nous en çhargerons ef qui passerons dans l'opposition lx plus vive contre le gouvernement et mos députés. »
Le président de l'assemblée. le bourgmestre Fizia, a términé son discours de clôture par les mots Suivants:
« L'Autriche sera allemande ou elle ne sera pas. »
La fidélité aveugle à l'Allemagne et laittente de secours allemand pour l’oppression la plus fructueuse et la plus complète des Slaves et des Laitins dé Ia Monarchie, telle est l’idée directrice des Allemands d'Autriche. À l'intérieur des tranchées germaniques, ce sont les Slavis qui opposent leurs poitrines à la poussée germanique, et c'est en Les soutenant qu'on agira dans l'intérêt de l'humanité et de la civilisation si menacées par la ruée des Allemands.
La fraternité turco-bulgare en péril
Le conflit entre les Tures let les Bulgares, dont nous avons paré dans noire dernier numéro, commence À préoccuper leurs maîtres de Berlin. En effet, on mande de Sofia à la « Gazette de Francfort »:
Les demandes de la Turquäe tendant à obtenir des compensations au sujet de la Dobroudja ont causé en Buigarie une exnn surprise. Les Bulgares estiment que la Dobroudja ne peut pas faire l'objet d'un marchandage. Ils déclarent que leur pays et leurs conatiomaux ne peuvent être considérés en aucun cas comme un objet d'échanges.
Le voyage de M. Heltferich à Sofia a été renvoyé à plus tard.
on miande d'Amsterdam! t du 21:
D'autre part, en date du 19 et
Amsterdam, 19. — Une information sensationnelle fait, aujourd'hui, le tour de la grande presse allemande. [ s'agt d’un nouveau conflit, qui divise la Bu'e garie et les Empires centraux.
On sait qu'un premier dférend, pour le règlement duquel Ferdirand de Bulgarie se rendra, au mois de mai, à Cozstantinople, sépare la Bu:garie de l'empire ottoman, qui veut une reclification de