La Serbie

CHE 2 PR Der Je

Illme Année. — No 21

Prix du Numéro : 10 Centimes

Genève; Samedi 15 Juin 1918

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Le problème d'Autriche-Hongrie tant qu'il fut traité par la diplomatie alliée, n’avançait pas beaucoup. Des considérations d'ordre divers empéchaient l'application pure et simple à la Monarchie des Habsbourg, du principe de liberté et d'auto-disposition des peuples proclamé solennellement par les puissances de l'Entente, Pour l'Autriche-Hongrie on préférait dans certains milieux une solution spéciale, qui, si elle était adoptée, aurait le seul avantage de plaire aux diplomates professionnels sans satisfaire cependant les exigences légitimes des peuples. L'entrevue des deux empereurs germaniques au grand quartier général allemand, suivie de nouveaux arrangements politiques et militaires, ayant pour but, d'après le communiqué officiel, d'élargir et d'approfondir l'alliance existante,a mis fin à ces désirs platoniques. Le Kaiser, par son geste, a rappelé la diplomatie alliée à la réalité, rendant ainsi, indirectement, un service aux peuples de la Monarchie. Leur sort. dépendra désormais, moins des combinaisons. diplomatiques que du développement naturel des choses. Il sera réglé sans égards pour la & vénérable » monarchie des Habsbourg, en conformité des principes qui auront rempoité la victoire. Esclavage — solution germanique; liberté — solution alliée. Pas de solution intermédiaire !

La réalité l'emporte toujours sur les meilleurs vœux. Dans le cas autrichien, les choses sont beaucoup plus simples que l’on ne le croit. Tant que la Monarchie était un Etat absolutiste au sens littéral du mot, la dynastie quoique allemande, ne se souciait d'aucun peuple et gardait plutôt son caractère d'universalité. Les grands changements survenus au cours du XIXe siècle dans la conscience des peuples ‘en Europe, ont laissé des traces profondes aussi dans l'organisation politique de l'Autriche. Le dualisme de 1867 a été pour les Habsbourg la première déchéance intérieure. Deux peuples furent privilégiés à condition de soutenir la Monarchie et sa dynastie dans les luttes contre les autres.

L'observateur superficiel pourrait déduire du réveil actuel des nationalités secouant si vigoureusement l'édifice délabré de la Monarchie, que l'évolution historique pousse fatalement l’Autriche-Hongrie vers la fédération des peuples. Pourtant cette idée ne correspond nullement aux faits. D'abord, les pays des Habsbourg ne furent réunis dans un corps politique par aucune nécessité politique, économique ou culturelle. L'Empire des Habsbourg a êté constitué et agrandi par la violence, et la violence explique seulement un fait, elle ne le justifie pas. Il ne faut pas oublier non plus, qu'en 1867, les Magyars eux-mêmes avaient accepté le dualisme faute de mieux. Ce qu'ils aimeraient le plus, ce serait l'indépendance complète à laquelle aspirent les Slaves, sans ressentir un besoin quelconque de rester dans le cadre de la Monarchie.

En 1867, les Habsbourg ont réussi à sauver leurs possessions par des concessions accordées aux Magyars et aux Allemands. Le dualisme n'est en somme autre chose qu'un pacte de

partage du pouvoir. Afin de conserver l'inté-

grité de l’Empire, la dynastie a consenti à céder quelques fonctions du: pouvoir à deux peuples privilégiés, dont l'appui lui était nécessaire pour maintenir les autres sous le joug. En 1918, les Habsbourg se trouvent cependant dans une impasse. Les Slaves ne se laissent plus violenter, et les Magyaro-Allemands, gâtés par tant de privilèges, ont un appétit insatiable. Les, pers-

pectives pour les Majestés apostoliques sont |

Paraissant tous les Samedis

Rédacteur en chef : Dr Lazare MARCOVITCH, professeur

Capitis deminutio Austriae| UNE OFFRE

donc très sombres. Seuls, elles n'ont pas la force nécessaire pour résister au mouvement

débordant de leurs peuples. Une solution.

venant de l'intérieur est tout-à-fait impossible parce que les intérêts magyaro-allemands sont absolument opposés à ceux des Slaves. Lu solution viendra plutôt du dehors : de l'Allemagne ou bien de l'Entente. L'Allemagne peut soutenir le trône des Habsbourg, mais elle y met des conditions très dures, moins dures pourtant que celles des peuples. Les

“Alliés ne peuvent jamais offrir à une dynastie

les avantages qu'une Prusse peut leur donner. Les Alliés luttent pour les peuples et toute concession faite par eux aux Habsbourg serait

subordonnée au consentement des peuples

respectifs. Pour l'empereur Charles ce n'est pas une garantie suffisante. Qu'il soit allé chez le Kaiser, ce n'est que trop logique. Placé devant le choix : de rester toujours le «secondy, mais de conserver l'Empire, ou bien de devenit éventuellement le premier, mais de faire dépendre son pouvoir de la souveraineté nationale, — le jeune empereur a préféré la solution qui comportait pour le moment moins dé risques. Il est sûr -de rester empereur d'Autriche tant que l'Autriche existera. La capitis deminutio de la Monarchie ne le touche que très peu. Un jeune prince peut se contenter du rôle de second pourvu qu'il garde la couronne.

Les Alliés ont eu donc tort de compter avet:

l'empereur. Les peuples de la Monarchie valent plus.

M. David et la Serbie

Lorsqu'au mois de juillet 1914, l'Autriche-Hongrie remettait le fameux ultimatum au Gouvernement serbe, les peuples de l’Europe suivaient avec angoisse les phases préliminaires du grand conflit qui allait éclater fatalement comme suite logique d’une action insolente et préméditée,

C'est vers le peuple serbe, vers la nalion serbe, vers son vieux roi que se porlait l'admiration du monde, vers ce peuple qui, pour éviter la conflagralion générale s'était plié aux exigences insolites de l'Autriche, ce peuple qui, dans un élan de fierté nationale accepta le défi, battit les Autrichiens pour reculer plus tard, en 1915, après une résistance héroïque, devant les armées envahissantes des Bulgares et des Germains.

Depuis, voilà quatre.ans, l’armée serbe combat vaillamment à côté des armées alliées à Salonique; d’un..autre côté..le gouvernement serbe et son vérérable chef Pachitch ne cessent de travailler pour l’œuvre. commune des Alliés. La Serbie tout entière frémit aujourd’hui de joie et d’enthousiasme dans le même sentiment d'émotion grandiose devant la grande tâche qui incombe aux soldats du droit et de la liberté,

Cependant, nous avons connu les violences que

ce peuple de grand cœur et de grand avenir endure depuis l'exode de 1915. Jamais martyr n'avait souffert pareilles lortures, des massacres

abominables sur les paisibles ciloyens, persécutions sans nombre, extermination systématique de ‘

l'élément serbe, bulgarisation en force, chasse aux instiluteurs, chasse aux prêtres, plus d’écoles serbes, plus d’églises serbes, Les bibliothèques détruites, les livres brûlés, voilà le tableau vivant de ce qui se passe en Serbie occupée, depuis que les Germano-Bulgares s’y sont installés en maîlres absolus, voilà ce que M. Savad}jian nous expose dans son nouvel ouvrage.

Maïs l'âme serbe n’a pas fléchi. l'âme serbe est restée fière et, malgré les violences subies et peutêtre à cause de ces violences, elle esi aujourd’hui encore plus grande, encore plus fière. La Serbie entend rester, jusqu'au bout fidèle à ses Alliés, car elle sait que les puissances de l’Enlente sont sincèrement décidées à assurer ses revendications justes et équilables pour garantir enfin la paix et la tranquillité des Balkans.

En présentant l'œuvre de M. Léon Savadjian, je ne puis m'empècher d'adresser nn salut cordial à la glorieuse nation serbe el de souhaiter de tout mon cœur la création du grand Elat yougoslave qui, demain, servira de rempart à la civilisation

européenne. : : Fernand DA VID, député, ancien ministre, (Préface du livre dé M, Savadjian: /e dénonce !..)

La légation de Bulgarie à Berne et l’Agence Bulgare de Sofia ont bien voulu démentir à deux reprises la nouvelle que la Bulgarie aurait fait auprès des puissances de l’Entente, des tentatives de paix séparée. À la question de savoir si la légation de Bulgarie veut nier aussi la plus récente tentative, faite par un gros industriel bulgare, ami et confident de M. Radoslavoff et du roi Ferdinand lui-même, l'Agence officielle bulgare de Sofia a répondu en publiant dans la presse neutre un nouveau démenti, invitant le directeur de « La Serbie » qui a révélé ces agissements, à dire le nom du personnage en question. Le démenti ajoutait que si le directeur de « La Serbie » ne s'exprime plus clairement cela signifierait que ce sont plutôt les Serbes qui cherchent la paix ! Je laisse de côté cette logique purement bulgare et je viens répondre à la question que me pose l’Agence bulgare. Je réponds d’abord en citant la lettre suivante de M. Savadjian, publiciste bulgare qui m’a le premier communiqué la nouvelle des démarches bulgares.

« Je ne vois aucun inconvénient, m'écrit M. Savadjian, à satisfaire la curiosité de l'Agence bulgare, qui fait semblant d’ignorer le nom de l'industriel en question.C’est M. Chipkoff, fabricant d'essence de rose, à Kazanlik (Bulgarie). »

La déclaration de M. Savadjian est donc

Le ministre-président autrichien, le Dr Seidler a déclaré récemment devant les représentants des partis politiques « qu’il ne savait pas si l'Etat sudslave naïîtra un jour. « Ce n’est pas une impossibilité, mais il n’est pas possible d’en parler ici, parce que l'affaire ne concerne pas uniquement l’Autriche, mais aussi la Hongrie et la Bosnie. Je ne veux pas non plus envisager la question de savoir si certains territoires autrichiens pourraient être réunis à cet Etat, mais une chose est assez claire : c’est que si un tel Etat était créé,on ne pourrait pas lui annexer toutes les parties du territoire autrichien séparant cet Etat de l'Adriatique et se trouvant en étroite union avec les régions parlant allemand. »

On voit que l'Autriche n’a rien appris dans cette guerre. Elle s'imagine que ses anciennes méthodes de tromper les Slaves en leur offrant quelques miettes d’autonomie, de libertés fictives et d'indépendance d'Etat, pourraient détourner même un seul instant, notre peuple de la voie qu'il est en train de suivre, en luttant par tous les moyens pour sa délivrance complète et pour l’union intégrale de tous les SerbesCroates-Slovènes en un seul Etat indépendant. Pour amputer notre territoire national et compromettre l'unité yougoslave par des moyens immoraux, afin de pouvoir maintenir plus facilement notre peuple dans l'esclavage austro-magyar, M. Seidler s’ingénie à appeler la Bosnie et l'Herzégovine facteur important de la création de cet Etat yougoslave tel qu'il l'envisage.

Nous autres Bosniaques, nous ne som-

mes pas habitués, et nous ne désirons

jamais être un facteur quelconque dans la monarchie des Habsbourg. On ne nous a demandé nôtre consentement que lorsqu'il fallait renoncer à nos idéals nationaux et justifier l’entorse aux traités internationaux par l’Autriche-Hongrie, Au lieu de donner cette approbation, nous avons toujours protesté.

à l'Université de Belgrade

DE PAIX BULGARE

JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

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Suisse... Gfr. — paran

AMONNEMENT } Autres pays. Ofr.— » *

très nette. Je ne puis que confirmer, par les informations recueillies ailleurs, que tout ce que M. Savadjian dit à propos de la mission Chipkoff, est vrai, mot pour mot. Je veux ajouter que la Grande Puissance à laquelle la Bulgarie s’adressa c'ést l'Amérique et que les propositions de l'agent bulgare ne sont plus un secret à Washington, où l’on ne sait cependant pas encore si les Bulgares par cette démarche voulaient tendre seulement un piège à l'Amérique pour tâter le moral des adversaires de l'Allemagne, ou bien s'ils se proposaient sérieusement de se séparer de leurs maîtres germaniques. Il paraît que les milieux politiques de Washington estimérent les Bulgares bien capables d’une nouvelle trahison et c’est pourquoi le Département politique à Washington n’a pas encore cru nécessaire de rompre avec la Bulgarie et de lui déclarer la guerre. C'est ainsi qu'il faut probablement interpréter l’intervention récente de M. Wilson lui-même pour empêcher un débat public au Sénat, au sujet de la Bulgarie et de sa situation par rapport à l'Amérique.

Je crois que ces explications suffiront et que le gouvernement bulgare répondra à son tour pour préciser, s’il avait voulu trahir Berlin ou tromper Washington en envoyant M. Chipkoff en Suisse. Toute la question est là!

Dr. L. MARCOVITCH

La Bosnie-Herzégovine - facteur de la Monarchie!

La Constitution octroyée de Bosnie a prévue la formation d’un corps spécial, Conseil du Pays, dont la compétence était de poursuivre les pourparlers avec les gouvernements autrichien et hongrois, au sujet de la situation de la Bosnie-Herzégovine par rapport à la Monarchie. Cependant le Conseil du Pays de Bosnie n'a été jamais convoqué ni par le gouvernement de Vienne, ni par celui de Budapest. D’autre part, les gouvernements de Vienne et de Budapest n’ont jamais daigné répondre aux nombreuses requêtes que le Conseil leur adressa. Le ministre Burian, attaqué aux Délégations à cause de sa politique en Bosnie, avait déclaré :

« En Bosnie, il n’y a pas de politique, il n'y à que l'administration. » Cependant, aujourd'hui, lorsqu'on veut paralyser .le mouvement nationaliste des Yougoslaves, tendant à leur délivrance du joug germanomagyar, que l’on tend à diviser notre peuple, on fait, à cet eflet, appel à la BosnieHerzégovine en faignant de demander son consentement pour une nouvelle combinaison de la politique dualiste de l’AutricheHongrie. On découvre soudainement que nous sommes un « facteur important », ceci uniquement dans le but de nous rouler pour que nous trahissions notre cause nationale. Cette division des Yougoslaves et leur servitude à l’égard des Magyars ont été envisagées déjà au moment de l’annexion. HT

Dans la proclamation impériale adressée au peuple, le 10 octobre 1908, il est dit ceci :

« Mais la condition préliminaire et indispensable à l'établissement de cette. constitution provinciale consiste en la création préalable d’une situation juridique précise et dépourvue de toute ambiguité pour les deux pays.

« Pour ce motit et sous le souvenir des liens qui existaient jadis entre nos glorieux ancêtres sur le trône hongrois et ces pays,