La Serbie
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La question yougoslave s'est imposée à l'attention de l'Europe. Avant la guerre, le grand public mettait volontiers dans le mêmé sac tous les Balkaniques, il confondait les Tchèques de Bohème avec les Tsiganes et ne voyait dans l'empire des absbourg que des Allemands, des Magyars et des Polonais. Le grand public sait aujourd'hui que l’AutricheHongrie est « une maison slave à façade allemande ». Bien mieux, la conflagration mondiale a mis en évidence les aspirations des TchécoSlovaques, des Yougoslaves, des Polonais, des Ruthènes, des Roumains et des Trentins. On sait que les Slovènes, les Croates et les Serbes ne forment qu'un seul et même peuple dont l'idéal est de s'unir aux Serbes de Serbie et du Monténégro, en un Etat indépendant.
Estil besoin de rappeler que le futur Etat yougoslave, tel que l'a conçu le manifeste de Corfou, réalise toutes les conditions d’une entité viable. Malheureusement, cette union nationale de tous’ les Slaves du Sud qui, depuis des siècles, hantait l'imagination des intellectuels yougoslaves et qui finit par de-. venir l'idéal des grandes masses populaires, ° cette union se heurte à un seul obstacle l'Etat habsbourgeoïs.
Possesseur de la majorité des Yougoslaves, François-Joseph crut jadis pouvoir réaliser une union à sa façon en faisant entrer aussi la principauté de Serbie dans le cadre de son empire. Pareille annexion en douceur heurtait l'indomptable esprit d'indépendance du peuple serbe qui préconisait l'union à la Serbie et non à la Monarchie. Parce que le nationalisme se réveillait dans ses territoires yougoslaves, le gouvernement habsbourgeois s’efforça d'étouffer l'idée de l'union en scindant la masse du peuple — 71/2 millions d'âmes — en onze administrations distinctes, avec quatorze législations diverses; cette scission fut complétée et renforcée par une opposition artificielle des Croatés catholiques aux Serbes orthodoxes et musulmans .
La victoire serbe dans la guerre économique
JOURNAL
Rédacteur en chef:
Falsification de l'idée yougoslave Discours du kaiser et le démenti de Tisza
grois, russes et ukrainiens à la Conférence de Brest-Litowsk.
D'Ossiek à Lioubliana (Laïbach),de Mostar à Zagreb (Agram), de Tsélovetz (Klagenfurt) à Riéka (Fiume), on manifeste en faveur de l'unité yougoslave aux cris de « vive la Serbie», «vive le roi Pierre », « vive Trumbitch!» L'Autriche-Hongrie se sent incapable d’endiguer le flot impétueux de l’idée nationale triomphante. Après quatre ans d'une guerre épuisante, elle est obligée de compter avec la question yougoslave. La nécessité est mère de la transaction et l'intraitable gouvernement dualiste, qui n'ose plus conjurer le péril « avec des potences et des prisons », offre actuellement de faire des concessions qu'il est prêt, selon une tradition chère aux Habsbourg, à retirer sitôt la menace écartée. Des pourparlers engagés entre Vienne et Budapest, une géniale conception voit le jour : Pour compenser le rattachement à l'Autriche de la future Pologne, la Hongrie, par la réunion de la Dalmatie à la Croatie-Slavonie, par la cession pure et simple de la terre d'Empire, la Bosnie-Herzégovine, deviendrait maîtresse de la majeure partie du territoire yougoslave, car ce projet d'union dans le sein accueillant de la Hongrie, n'exclut pas une annexion de la partie dela Serbie tombée aux mains de la Monarchie. Toutefois cette caricature de Grande Croatie est contraire au vœu de l'écrasante majorité des Croates qui place l'idée de l'union intégrale au-dessus d'un paiticularisme régional. Il va-sans dire qu'on peut greffer sur le projet type un certain nombre de variantes plus ou moins heureuses. Mais tous ces plans n’ont qu'un seul but : tromper l'Europe et les Yougoslaves. Car les Yougoslaves connaissent trop bien leurs maitres pour être dupes une fois de plus. Ils ne modifieront pas d'un iota leur formule : « union intégrale hors du cadre habsbourgeois ». Il leur est, par conséquent, impossible de s'arrêter à l'une des solutions proposées par Vienne ou Budapest, car l'union intégrale doit englober les terres slovènes, retenues par les Germains comme
POLITIQU
Paraissant tous les Samedis Dr Lazare MARCOVITCH,
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Genève, Samedi 29 Juin 1918
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rofesseur à l'Université de Belgrade
ne se fait ni en comptant par jours, ni en Comptant par semaines el non pas même en une année Es, je ; L Les paroles impériales sont trop claires pour avoir besoin d'aucun commentaire. Mais l’ancien ministre-président hongrois, le comte Tisza, mé_ content de cette franchise, a ail des réserves. Le comte Tisza et ses consorls ne cessent pas en effet de prêcher que c'est la Serbie qui a provoqué la guerre, et, leur surprise a été im-. mense de voir le Kaiser en personne souligner le véritable caractère de la lutte déclanchée dans le but d'imposer au monde la conception germanique des choses matérielles el spirituelles. Il fallait donc vite réagir à une telle imprudence. Le comte Tisza l'a fait au parlement hongrois, le 20 juin, au cours de la discussion sur le budget provisoire. [La protesté contre l'affirmation du comte Carolyi que la Hongrie esl entrée en guerre pour aider les plans germaniques. Il a prolesté ainsi indirectement contre les aveux du Kaiser Guillaume. Mais y a-t-1l un seul homme qui prétera plus de joi aux paroles de Tisza qu’à celles de l'empereur d'Allemagne ?
Le 16 juin, le jour du trentième anniversaire Kaiser Guillaume, le monde poli‘tique a entendu un discours impérial dont la franchise dépasse de beaucoup toutes les révélations antérieures sur la guerre el ses origines. « Lorsque, a dit le Kaiser, en lemps de paix, pendant que je préparais l'armée pour la guerre, les anciens compagnons de campagne de mon grand-père mouraient, plus d'un Allemand _— el moi-méme je n'ai pas élé le dernier — a espéré que Dieu mettrait à nos côlés les hommes capables de faire face à la situation. Au moment où la guerre a éclaté, le peuple allemand ne s’est pas rendu exaclement comple de ce que signifiera celle guerre. Je le savais exactement, car la parlicipation de l Angleterre signifiait la guerre mondiale qu’on le voulät ou non. Il s'agissait d’une lutie enire deux concepls du monde. Ou bien le concept germano-prussienallemand sur le monde, le droit, la liberté, l'honneur et les bonnes mœurs prévaudra, ou bien le concept anglo-saxon. Ces deux concepls sont dressés l’un contre l’autre et il faut nécessairement que l’un des deux succombe. Or cela
EURE DE LA POLOGNE
vernement polonais ayant à lutler contre la mauvaise foi et l'hostililé des gouverneurs allemands eréèrent dans le pays un malaise général.
Le dernier voyage du baron Burian en Allemagne avail pour but de faire accepter par P'Allémagne la combinaison appelée la solution austro-pollonaise du problème, solution qui aurait uni la plus grande partie de la Pologne sous le Sceptre des Habsbourg. Le résultat de ce voyage fut nul. En attendant, l'Autriche préparait, en connexion du traité conclu à Brest avec VUkraine, un partage de la Galicie pour favoriser l'élément ukrainien au détriment des Polonais. Au traité secret concernant ce partage, les Polonais répondirent par la
L'
La lutle mondiale suit son Cours, les offensives se succèdent, parfois même elles «e transforment en défaites; chaque jour apporte :des changements dans la situation générale. À l'heure actuelle deux Événements dominent la siluaLion : le désastre rtriéhten sur dx Piave el Ja chute du ministère Seidler, due au coup de grâce donné par les Potonais: Occupons-notts pour Finstant du second
événement. De tous les problèmes ayant surgi durant la guerre, le probiènre polonais. à marqué le plus de progrès dans sa marche ascendante vers une solution définitive. Alternalivement les deux partis belligérants ont élé obligés de faire des concessions. à Îla Pologne en reconnaissant S0n droit à l'exis-
aléti } pc ‘ iffére ps Fr Le Ce 7 à tence politique. Pour tant la difféx ence est | résolution de Cracovie déclarant que la énorme, non seulement quant à la forme el | démission du gouvernement de M. Seid-
ler est dans Pintérèêt de l'Etat. I sen suivit la chute du ministère Seid-
j'étendue de ces concessions, mais- aussi quant à la valeur et la sincérité des promesses faites à la Pologne par les deux
voie d'accès à l'Adriatique et qu'elle ne doit rien avoir de commun avec la Monarchie dualiste. Quoique incomplète, la récente déclararion de Versailles est cependant un acquiscement de l'Entente aux légitimes aspirations du peuple yougo-slave aux irois noms et de ses chers frères Tchéco-Slovaques. :
Comme l'écrivait récemment un journal croate : « Une seule idée ressort de tout cela, les temps Les Habsbourg n'ont rien appris et rien oublié. Leurs méthodes n'ont plus cours, leurs trucs sont éventés, les yeux du Slave sont dessillés, il sait quel est l'ennemi et lui résistera jusqu'à la paix générale qui, seule, décidera de son sort.
contre la Monarchie et, surtout, les glorieuses campagnes balkaniques avaient suscité un tel enthousiasme chez les Slaves méridionaux que l'Autriche-Hongrie, tyrannique et médiévale, devait prendre ombrage de la Serbie devenue le Piémont, le centre d'attraction du yougoslavisme et l'incarnation de l'idée d'union nationale.
Plutôt que d'abandonner sa vieille politique, de « diviser pour régner », l’autocrate de Vienne eut recours au moyen violent, à la guerre qui, en étranglant la Serbie indépendante, devait anéantir l'idée dont elle était le vivant symbole. Jamais hommes ne manquèrent plus complètement de psychologie et ne mar- | chèrent moins avec leur siècle que FrançoisJoseph et ses conseillers. La Serbie fut envahie, foulée au pied, les peuples yougoslaves furent torturés, massacrés, mais l'idée demeurait victorieuse el vengeresse.
Par la déclaration du 30 mai 1917, les Yougoslaves affirmaient, au Parlement de Vienne, leur volonté unanime de s'unir librement en un Etat indépendant sous le sceptre des Habsbourg. Ce ne fut là qu'une formule transitoire, opportuniste et la formule véritable et définitive apparut dans des déclarations subséquentes où le Pacte de Corfou est envisagé comme la réalisation idéale de l'union projetée et où l'Etat yougoslave indépendant est placé hors du cadre de la Monarchie. Telle est, par exemple, le mémoire adressé le 31 janvier 1918, par le Club yougoslave du Reichsrat, aux négociateurs : allemands, austro-hon-
D' Victor KUHNE.
roms néitittitttt
“ge Président Wilson et le Oldou Dan
A l'occasion de la fête nationale serbe le Vidov Dan, qui sera célébrée le 28 juin à New York, le président Wilson a envoyé au secrélaire du Comité d'organisation le message suivant :
« Foudriez-vous avoir la bonté de transmettre mes félicitations à lous ceux, qui s’assembleront vendredi prochain pour fêter l'anniversaire de Kossovo et leur dire, que j'aprécie hautement ce glorieux anniversaire. La lutte du peuple serbe pour la liberté et le droit, et les tendances de tous les autres peuples slaves vers la reconnaissance de leur individualité ethnique et le droit de disposer d'eux-mêmes, ainsi que vers la réalisation de leur liberté politique, attirent plus que jamais l'attention du monde entier el doivent attirer la sympathie de lous ceux qui reconnaissent ce que devient chaque jour plus clair pour les hommes d'Etat de tous les pays, que la paix future du monde dépend de l'acceptation par les peuples d'un règlement, qui seul peut garantir leur bonheur el leur avenir.»
quoique ayant adopté le dialecte slave des peuples assujettis par Eux, n€ font pas parte de la famille slave, ils sont de race touranienne, C'est à tort que certains auteurs les taxent de yougoslaves.
! Les Bulgares,
nouveaux ne les ont pas changés ».
parties en cause. Les Alliés, amis traditionnels des Polonais: considéraient -en. effel la restauration de la Poïogne comime un de leurs buts de guerre, Mais dans leur action ils se trouvaient considérablement gênés par leur alliance avec la Russie et fant que cette alliance ne fut pas reniée par les léninistes, les Alliés. se bornèrent à faire des assurances platoniques die sympathie à l'égard du peuple opprimé. Ce nest qu'une année après la chute du tsarisme qu'ils se départirent de leur attitude réservée (1).
La déclaration de Versailles n’est plus comme celles du passé, vague et impréaise, reléguant la solution définilive dans un avenir éloigné, mais bien une céel:rsation franche et précise offrant les asgises puffisants pour servir de bases à la politique future de la Pologne. Envers une altitude si bien déterminée, les Polonais doivent prendre positioin, car à l'avenir rien ne saurait plus justifier une attitude équivoque de leur part. Les Polonaïs connaissent mieux que personne la conduite des puissances centrales durant la guerre vis-à-vis de leur cauise. ‘Après deux ans de guerre; celles:ci Lancèrent 1e manifeste du 5 novembre 1916, Cet acte avait une portée immense pour la question polonaise, qui par Ce fait se trouvait placée sur un terrain international. Aussi les Impériaux s’empressèrent-ils d'en atténuer la portée en signant une année après l'acte du 12 septembre 1917. :CeJui-ci donna à la Poïogne un Souvernement, mais un gouvernement sans pouvoir, ou du moins dont le pouvoir était à la merci des ofcupants.
IL est à remarquer aussi que toutes ces concessions coincidaient toujours avec une passe difficile traversée par les. Impérieux. Les difficultés auxquelles se heurta le gou-
1 Voir la déélaration de Versailles dont notre journal a déjà parlé dans son dernier numéro,
ler. Mais l'Autriche, elle, ne se tient pas pour battue. Surprise par les Polonais en flagrant délit de trahison, elle essaye à présent de marchander, afin d'obtenir le concours des députés polonais. Pour cela, elle promet de nie pas résoudre la question du partage de la Galicie sans le concours du Parlement. Elle espère ainsi déterminer les députés polonais à trahir la cause commune des nationalités opprimées-de la Monarchüe, en prêtant leur concours au gouvernement qui va venir.
_ Vienne. attend donc de nouveau son salul
de la Pologne. On n'ignore pas quelle récompense serail réservée aux Polonais. Il s’agit de savoir si les Polonais se laisseront prendre et s'ils consentiront à c9mpromettre l'avenir de leur pays Pour un succès relatif et provisoire. Ce serait aussi commettre un crime contre la solidarité slave.
Le problème polonais ne peut être résolu que dans son ensemble. IE ne le sera qu'après de triomphe du principe de nalionalité. Ce problème fait corps avec celui de la Société des Nations qui doil garantir aux peuples d'Europe les libertés démocratiques. La cause de la Pologne ne doit donc être séparée dé celle des autres peur ples_opprimés.. fl faut tenir compte de ces faits pour retrouver la ligne divectrice de la politique à suivre et comprendre l'écrasante responsabilité historique qui incombe à la génération actuelle et surtout à ceux qui sont en ce moment à la tête de la politique polonaise. Ceux-ci doivent se pénétrer de cetbe ädée que nul calcul politique, ni aucune manœuvre; si adroite qu'elle puisse être, ne peut tenir devant le fait que le moment opportun: unie fois passé loccasion ne se présentera: plus. Et les générations futures qui en subiront les conséquences voueront un mépris Élernel à ceux qui, en manquant de prévoyance, {rahiraient la cause de la Patrie. |
M. D. M.