La Serbie
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--f]Ime Année. ae No 33
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Le «Balkanprogramm » de l’Autriche-Hongrie
JOURNAL
Il
Dans la réunion de la Société économique hongroise pour la Bosnie et pour l'Orient, le ministre de l'Agriculture Stzerenyi, en. développant le programme de. la future politique économique de la Monarchie, déclarait : que çe programme doit tendre à un rapprochement de l’Autriche-Hongrie avec l'Orient et à une liaison directe avec celui-ci. L’orateur a eu la loyauté d’avouer les torts et les injustices commises. à l'égard des peuples balkaniques notamment à l'égard de la Serbie, que la Monarchie durant une période assez prolongée essaya d’étrangler économiquement. Il reconnut également que:l'Autriche-Hongrie pratiquait dans le le passé vis-à-vis des provinces serbes de Bosnie et d'Herzégovine une politique économique d'exploitation à outrance. Le discours de Stzerenyi est en fait un véritable réquisi-
toire contre la politique extérieure de l'Au-
triche durant les dernières décades. Ses aveux
‘à ce sujet sont à retenir.
. En parlant des relations avec les Balkans, la Serbie, la Roumanie, etc., Stzerenyi remarque que le capital hongrois y remplissait avant la guerre un rôle important el il aurait obtenu un succès énorme sur toute la ligne si l’on avait suivit dans les Balkans un plan général de politique économique. Mais dans nos rapports avec l'Orient nous avons malheureusement, dit Stzerenyi, dévié des principes dirigeants que l'œil clairvoyant d'Audrassy entrevoyaiten 1870.
« Nous avons omis de soutenir économiquement cette tendance vers l'indépendance des peuples balkaniques, en voie de développement, afin de les mettre en harmonie avec les intérêts économiques de la Hongrie. Nous avons commis une faute en permettant que des relations commerciales s'établissent entre ces Etats et nos ennemis. Nous avons omis de les attacher à nous par tous les liens de la vie économique en leur prenant leurs produits pour les livrer aux consommateurs de l'occident ».
Il ést intéressant de souligner ici que ce que Stzerenyi reproche aux dirigeants de la Monarchie dans le passé, c’est moins de s'être montrés injustes envers les Etats voisins comme envers les peuples subjugués que d’avoir manqué de méthode et de souplesse en les exploitant. Selon lui, on n'a pas agi avec assez de finesse
et manquant de doigté, on a fini par mettre ces
. peuples contre la Monarchie. Bref, on a gaffé
et maintenant on le regrette.
La science hongroise, poursuit Stzerenyi, soutenu par le Kapital hongrois, doit avec le travail hongrois descendre dans les Balkans. Fortifier nos rapports économiques avec les Etats balkaniques ne doit pas avoir seulement pour but un plus grand développement économique pour nous, mais cela doit être aussi un moyen de nous gagner les sentiments de ces peuples. Notre politique extérieure avait dans le passé ce grand défaut d'avoir négligé la psychologie des peuples et l'influence que les masses exercent sur la politique, car il ne suffit point de se baser sur les contrats écrits; la vraie politique étant celle qui est faite de peuple à peuple, dans l'harmonie des intérêts et des sentiments. Le peuple dont nous améliorons les intérêts matériels par notre collaboration et
dont nou: consolidons les assises économiques, . . , D une fois convaincu que l’on ne cherche pas à
toucher à sa vie nationale et étatique, se tournera instinctivement vers nous.
Jusqu'ici nous sommes complètement" d'accord avec les idées de Stzerenyi. Ce n'est que dans
la partie suivante de son discours que s'étale sa mauvaise foi. Ici Stzerenyi déclare: « Puisque l’Autriche-Hongrie n'a jamais touché à la vie politique d'aucun des Etats et n’en a même jamais eu. envie (sic) et vu que notre pays a toujours sympathisé et même soutenu ardemment l'indépendance de chaque nation; enfin, comme la Monarchie austro-hongroise n'a aucune aspiration territoriale sur les Balkans de même que la nation hongroise n’a aucune tendance expansive dans cette direction, il n’est donc rien qui empêche un développement cordial des relations politiques et économiques entre les peuples d'Orient et la Monarchie ».
Lorsque M. Stzerenyi prétend que l'Autriche-Hongrie n’a jamais touché à la vie étatique d'aucun des Etats et n'en a même jamais eu envie, il oublie l'agression de 1914 contre la Serbie, agression qui provoqua la conflagration générale. Il oublie aussi tout un système de mesures oppressives employées durant les dernières décades pour étouffer le développement économique de notre pays. Lorsqu'il prétend | que son pays a toujours sympathisé avec l'indépendance de chaque nation, il a l'ai de vouloir se moquer des Italiens, des Tchéco| Slovaques, des. Yougoslaves-et des Roumains.
Or, non seulement l'Autriche-Hongrie n'a jamais soutenu l'indépendance des autres peuples, mais elle s’est montrée incapable de défendre sa propre indépendance politique vis-àvis de l'Allemagne.
L'affirmation gratuite de Stzerenyi que l'Autriche n’a aucune aspiration territoriale dans les Balkans ne peut être prise au sérieux tant que cette dernière occupe la Bosnie et l'Herzégovine. D'ailleurs tous ses actes” et attitudes durant les dernières décades sont là pour le démentir. Stzerenyi se trompe lorsqu'il croit que la Monarchie pourra jamais, par des améliorations d'ordre économique, gagner les sentiments des peuples balkaniques et spécialement des Serbes et des Yougoslaves, après tout ce qu'elle a fait pour s'aliéner les sympathies de ces peuples. Car:ceux-ci ont acquis la conscience que l'existence même de la Double Monarchie par sa structure étatique est un obstacle insurmontable à leur développement. Ni la « science », ni le « kapital » hongrois ne pourrons jamais accomplir le miracle d’attacher le cœur de ces peuples qui ont adopté la devise: « Austro-Hungaria delenda ».
L'Autriche-Hongrie qui fut toujours en re-tard-d'une-idée;-l'est..encore cette fois-ci et le discours de Stzerenyi ne convaincra personne en dehors du cercle où il développa son fameux «€ Balka nprogramm ».
M.-D. MARINCOVITCIN.
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En deux semaines (du 13-27 août) le Journal de Genève a publié, sous la signature de son rédacteur politique, M. William “Martin, cinq articles de fond tous en faveur de la conservation de l'Autriche-Hongrie. La situation qu’occupe l’auteur de ces articles, ses conceptions politiques ainsi que les arguments dont il use à l'appui de sa thèse, nous obligent de nous occuper de ces écrils où M. Martin se montre plus catholique que le pape, plus Autrichien que les Autrichiens eux-mêmes.
rons de près la thèse de M. Martin.
: présentaient la Bosnie
Dans notre prochain numéro, nous examine,
Un appelen faveur
‘Une des mesures les plus odieuses auxquelles
péuple:serbe c'est celle de livrer aux Turcs nos B£
Asie-Mineure. En plein XX* siècle, on a restauré l’äncien esclavage en masses, la servitude aux Turcs et le traitement des hommes comme des objets matériels dont on dispose suivant sen gré. Il y a longtemps que nous avons eu vent de cés procédés indignes mais nous croyions que seuls les Bulgares étaient capables de commettre de telles monstruosités. Les témoignages qui s’y rapportent recueillis par le professeur Reiss et publiés dans le « Telegraaf » d'Amsterdüm, et reproduits aussi par le « Genevois » du 18 mai, ne laissent aucun doute sur la réalité dés faits dénoncés. Aujourd'hui le gouvernement serbe est en possession de preuves formelles que non seulement la Bulgarie mais aussi l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie pratique la même besogne vendant à terme aux Tures les prisonniers serbes. Une confirmation de ces faits se trouve aussi dans l'information suivante, publiée par la «Gazette de Lausanne » du 27 juillet sous le titre « Les Turcs et les prisonniers roumains ». On y lit notamment :
«Le médecin de l'ambassade d'Espagne à Constantinople, chargé de la visite des camps de prisonniers roumains en Turquie, annonce que
En sallouant avec la gracieuse aide de PAllemagne dans la fameuse paix de Bucarest « des rectifications de frontières » qui se chiffrent de 5000 km. carrés et dont ‘la valeur des forêts dépasse 5 milliards les Magyars, alléchés par ce gain, voudraient étendre leurs frontières aussi dans le Sud. Ils s'intéressent vivement au sort de la Bosnie et l'Herzégovine. On sait que ces deux provinces, occupées en 1878, « provisoirement let pour Y rétablir lordre », étaient annexées à l'empire austriohongrois en 1908 et ‘une situation politique spéciale y règne. Ces deux provinces devinrent en quelque sorte le: condominium ‘de l'Autriche et de la Hongrie. Les deux parties de la monarchie menaïent une lutte pour s'installer le mieux possible dans cette colonie destinée à être exploitée.
Mais en dehors du gain territorial que et Herzégovine pour n'importe lequel des occupants germanomagyars, ces provinces ont une imporlanc& capitale dans l’ensemble du problème yougoslave. Dans la continuité géographique yougoslave, la Bosnie el l'Herzégovine se trouvent au cœur des territoires yougoslaves. Aussi l'occupation de ces deux provinces par une puissance étrangère signifierait la suppression de la éontinuité nationale yougoslave el en même temps un moyen excellent pour l'anéantissement de l'unité yougoslave. Et
Les Magvars, auxquels îe mouvement yougoslave cause de grands ennuis et de sombres soucis, voudraient d’un coup agrandir leur Lerritoïre ‘et supprimer la question yougoslave (en s’annexant ces deux provinces. Ayant toujours en dépôt quelque formule historique — les seules avec lesquelles ils essaient de justifier leur aomination sur les aütres peuples. — les Magyars déterrent des archives poussiéreuses les conquêtes de leurs rois du moyen âge et basent sur elles leur! droit à ces provinces, Mais ils ont d'autres arguments plausibles pour persuader l'Autriche. L’Autriche, avec ses nombreux peuples slaves, ñe parvenant pas à se consolider, qu'arrivera-t-il donc si ‘encore, une forte population slave élail ajoutée à celle qui déjà, par tous Jes moyens, tend à la destruction de la Monarchie? Ce serait faciliter œuvre de délivrance slave. La Hongrie, par contre, continuent les Magyars, bien qu'habitée par de nombreux peuples allogènes, a pu, en dépit de tous les efforts opposés, sauvegarder son unité de fer el empêcher l’éclosion des manœuvres antiétatiques pratiquées en Autriche. “Aussi la Bosnie et l’'Herzégovine, malgré leur popu-
POLITIQUE HEBDOMADAIRE
Paraissant tous les Samedis Rédacteur en chef : Dr Lazare MaRCOVITCH, professeur à l’Université de Belgrade
nos ennemis pour anéantir la force vitale du |.
isonniers pour étre employés dur travaux en
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medi 7 Septembre
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des prisonniers serbes
50 °) des prisonniers roumains détenus sont morts dans ces camps à la suite d’une épidémie CR dt
Malgré les conventions échangées à Bucarest, les Turcs refusent de rapatrier les prisonniers roumains avant leur remplacement par des Serbes ou autres prisonniers, dfin que les travaux auxquels sont employés des Roumains
puissent être continués ».
Ce que l'on dit de la mortalité des Roumains oaut encore plus pour les Serbes. Ainsi les Turcs demandent encore des prisonniers serbes pour remplacer les Roumains qui seront rendus à la Roumanie ! Et personne ne s'émeut à cette insolence turque, personne ne proteste conire ce commerce organisé de la chair vivante!
Nous faisons appel aux sentiments d’humanité les plus élémentaires en Autriche-Hongrie et:en Allemagne — en Bulgarie c'est inutile pour mettre terme à ces pratiques qui déshonorent le nom mêmé d'Européen. Est-ce qu'il n'y « personne èn Allemagne el en AutricheHongrie pour voir l'énormité de tels. procédés ét pour élever sa voix contre une mesure ignoble et qui vaudra à ses auteurs une honte éternelle ? Il est vraiment inconceoable que l'on ait pu poussé à un tel degré l’inconscience et le désir de faire le mal pour le mal.
© LL
La Bosnie-Herzégovine et les appétits magyars
lation slave, seraient vile pacifiées sous Ha domination magyare, ce’ qui contribuerait au renforcement de la monarchie, Le mouvement yougoslave, aujourd'hui si dangereux, deviendrait alors un rêve du passé impossible à ressusciter. Par ce fait, les régions de lAdriatique ‘seraient assurées pour l'expansion germano-magyare,
Voici ce qu'en dit l'organe du comte Andrassy, « Magyar IHirlap » (28 juillet):
« La quesiton bosniaque peut être considérée comme la clef de tout le problème yougoslave. A telle ou telle solution de la question bosniaque correspondra une solution parallèle du problème yougoslave, Une solution juste doit apporter la paix dans les Etals des Slaves du Stid, une solution erronée signifierait la victoire de l'idée panserbe où yougoslave et la perte des côtes adriatiques pour Ia monarchie. »
Plus loin, il dil:
« Les conditions actuelles de, la vie étatique en Bosnie, partagée entre deux Etats et trois gouvernements, ne sauraient subsister, Cest l'intérêt de Ja monarchie de même que celui des Bosniaques. Comme il ne saurait être question d’une incorpoiation à l'Autriche et comme les droits de la sainte couronne de Saint-Etienne sont indubitables, : il est clair qu'on doit permettre le retour (sic) de la Bosnie sous l'autorité de Ia sainte couronne. »
D'après les informations du journal croate dé Zagreb, « Hrvatska Rijec », il paraît que l'Autriche : acquiescé À ces arguments et à cédé la Bosnie à la Hongrie à condition que celle-ci doive prouver quelle à pour telle la majorité du peuple en Bosnie,
Conformément aux condilions de celte cession par l'Autriche, le gouvernement de Budapest s'applique à s'assurer le consentement de la majorité du peuple en Bosnie, 11 a commencé ses manœuvres par envoi d'agents en Bosnie, Et des agents de très haute marque se déplacent Pour activer celte politique de captation de bienvéillance, Le margrave Pallavicini est venu à Sarajevo et Mostar, où il est entré en contact seulement avec les personnages officiels et les représentants des différentes religions. L’évêque de Kalocsa, Varadi, a traversé la Bosnie, s’efforçant d'entrer en relations avec les catholiques croates et de les gagner à l'idée de‘l’union avec la Hongrie. Aux catholiques, orthodoxes el musulmans les promesses les plus alléchantes sont faites, On promet aux Serbes