Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

98 LE DRAME SERBE

fit un geste de sa couche de misère. Le vétéran qui guidait l’attelage s’approcha. « Je souffre trop! tue-moi!l » ordonna le jeune officier. Et comme le soldat n’obéissait pas, le désespéré répéta : « Tue-moi, je te l’ordonne, obéis, je suis ton chef! »

Alors le vieux soldat du troisième ban approcha son fusil. Je vis le poroutchik saisir le canon, le guider de sa propre main sur sa tempe, l'y appliquer au bon endroit, Le jeuneofficier attendit quelques secondes: à l'approche de la mort libératrice, sa face douloureuse s'était illuminée de bonheur. Enfin le coup partit. On profita d’un arrêt du convoi pour enterrer le poroutchik au bord de la dernière route de Serbie.

Sur la dernière route de Serbie, j'ai rencontré les marins français qui défendaient Belgrade. Je les avais visités, jadis, là-bas, sur les hauteurs de la Save, parmi des vergers en fleurs. « Avant que les cerises ne soient mûres, m avait dit leur chef en cette matinée de printemps, nous serons en Autriche. » Les cerises ont mûri, les fusiliers