Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

L'ENFER SUR L'ILE ENCHANTÉE 213

voix humaine criaient : « La mer ! la mer! » La mer, c'était le salut. Là-bas, de l’autre côté des monts, on trouverait le rivage, l’Adriatique, les flots sur lesquels les flottes française, anglaise, italienne, apporteraient du pain! La mer! La mer! Les épuisés se relevaient, reprenaient courage. On empoignait ses jambes à deux mains pour les arracher du marais. On s’accrochait avec les ongles sur le rocher pour le franchir. Les mères serraient leurs petits sur leurs seins taris, leurs petits que déjà la mort glaçait. Les soldats ramassaient leurs fusils. Il y eut même des chants qui coururent le long de la colonne. lvres de faim, des êtres demi-nus appelaient : « La mer! La mer!» On échappa au froid, à la neige, à l’embuscade des Mirdites. On approchait.

Un jour, ceux qui marchaient en tête du convoi se retournèrent. Ils agitaient les bras, ils s’embrassaient, ils criaient. On les crut devenus fous à force de privations. Ceux qui suivaient hâtèrent le pas. Bientôt ils comprirent : c'était la mer! Des popes