Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

LUTTE CONTRE LES ALLEMANDS INVISIBLES 62

de l'enregistrer. Aujourd'hui encore, après vingt-quatre heures, j'essaye en vain de faire jaillir de ma mémoire les impressions de ces minutes infernales. Je sais qu'elles ont duré toute la nuit. C’est tout ce que je sais,

Tout d’abord, les obus éclatérent en ligne au-dessus du village d’Assouïa, puis la ligne vint vers nous, se rapprocha de cinquante mètres en cinquante mètres. Les shrapnells montaient littéralement à l’assaut de nos positions en lignes impeccables, comme de l'infanterie qui s'avancerait en tirailleurs. Puis ce fut comme si un giganitesque tourniquet nous eût happés dans une ronde extravagante. Le tympan assourdi, les yeux brûlés, la gorge prise par la fumée noire, nous restions serrés les uns contre les autres, les mains crispées au parapet de terre pour ne point tomber. Je vois encore un vieux sergent décoré de la médaille de Karageorges, l'œil dur, la mâchoire serrée, étreignant près de moi un fusil qui ne pouvait lui servir. Je vois